AU THÉÂTRE CE SOIR
Il est des entreprises éditoriales qu’il faut applaudir, et celle-ci est tout simplement stupéfiante : depuis plus de dix ans, Les Belles Lettres publient, patiemment, merveilleusement, l’oeuvre critique du bon Jules Amédée Barbey d’Aurevilly. Nous en sommes déjà à sept forts volumes entoilés de rouge (quoi d’autre ?), soit près de 10 000 pages ! Les précédents voyaient le lion parler des romanciers (ah, ces pages incroyables où il ratiboise Flaubert et Zola…), des poètes, des journalistes, des historiens, des voyageurs, des philosophes ou des écrivains religieux. Dans celui-ci, il est critique de théâtre.
Pourquoi lire en 2017 des critiques de pièces jouées il y a plus d’un siècle ? Parce que c’est Barbey qui les signe, et le Connétable pourrait tout aussi bien écrire sur le point de croix ou la pêche à la crevette, il serait toujours invariablement passionnant. Bien qu’ayant une passion pour les acteurs et contrairement au Léautaud du Théâtre de Maurice Boissard, le talon rouge voyait le théâtre comme « un art fini », « la moins profonde, la moins complète et la moins puissante des hautes compositions littéraires ». Il en parle avec vivacité et furie - la polémique est son jardin -, et comme toujours, sa plume éblouissante rase tout sur son passage : « Je demande que Marivaux soit interdit à tous les théâtres. Une société fondée sur le suffrage universel ne peut rien comprendre à Marivaux. »
On n’en fait plus des comme ça.
OEuvre critique VII. Théâtre contemporain, de Barbey d’Aurevilly, Les Belles Lettres, 1 312 p., 83 €. Sous la direction de Pierre Glaudes et Catherine Mayaux.