Le Figaro Magazine

LONG ISLAND ICED BOOK

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Et dire qu’on a failli rater ça ! Long Island n’est pas seulement la péninsule où les riches New-yorkais vont s’entasser dans les embouteill­ages le week-end pour se rendre dans les Hamptons, afin de mettre des glaçons dans des verres de chardooonn­aaaayyy en polo Ralph Lauren sous une véranda blanche. Long Island est aussi un roman de 600 pages remarquabl­ement écrit, aussi élégant que tendu, qui compare cette île à un cadavre de femme noyée dans l’océan Atlantique. Ce n’est pas un polar mais il y a des meurtres tout de même, des crimes de courtoisie, comme pour aider le lecteur à tourner les pages sur la plage cet été. La virtuosité de Christophe­r Bollen n’est plus à démontrer : traduit chez nous l’an dernier, son premier roman, Manhattan People, brossait un portrait étincelant de la jeunesse dorée new-yorkaise post-11 Septembre, littéralem­ent foudroyée en dansant sur les rooftops des buildings. On découvrit alors que Jay McInerney avait un héritier et qu’il était gay ! On se demande où le rédacteur en chef d’Interview trouve le temps de rédiger des romans aussi stylisés sans jamais ennuyer : certaineme­nt pas sur la banquette au fond du Baby Grand, le nouveau night-club ouvert par Paul Sevigny, où nous étions vautrés en janvier dernier, la dernière fois que je l’ai vu. Il faut croire qu’il travaille beaucoup quand il se réveille.

Ce « Long Island Iced Book » raconte l’histoire de Mills Chevern, un jeune orphelin drogué qui squatte chez un architecte quinquagén­aire, Paul Benchley, dans sa villa d’Orient (Orient est le nom d’un village situé à l’extrême pointe nordest de Long Island : pour ceux qui connaissen­t l’endroit, on pourrait dire que c’est le contraire symétrique de Montauk). Le jeune homme, pièce rapportée qui découvre la haute société de l’île, sera évidemment le coupable idéal dès qu’on trouvera des corps décédés dans les parages. Ce narrateur distant fait parfois penser à Nick Carraway dans Gatsby, le plus célèbre roman sur Long Island : pour décrire les turpitudes des riches, mieux vaut le regard naïf d’un outsider. Les décadents se confient à l’innocent, qui perd vite sa pureté, comme chez Fitzgerald. Lire ce grand roman délicat et violent alangui sur un transat durant le mois de juillet 2017 me paraît une parfaite définition du plaisir sur terre. Long Island est sorti en mars 2017. Ne faites pas comme l’intégralit­é de la critique française, moi compris (jusqu’à aujourd’hui) : ne passez pas à côté d’un aussi magnifique roman.

Long Island, de Christophe­r Bollen, Calmann-Lévy, 650 p, 23 €. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nathalie Perrony.

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