Le Figaro Magazine

PETIT GUIDE DE SURVIE POUR L’ÉTÉ

Les grandes vacances : chacun d’entre nous en rêve tout au long de l’année. Pourtant, la pause estivale peut vite tourner au désastre si l’on ne s’y est pas préparé et que l’on ne respecte pas quelques règles. Voici une liste de conseils, depuis la méthod

- PAR NICOLAS UNGEMUTH

Et soudain, elles sont là : les vacances ! Avant toute chose, elles sont surtout une sorte de régression, une madeleine XXL : les vacances évoquent l’enfance. Pour les plus de 50 ans, à l’époque, c’était deux mois loin de l’école. Sur ces huit semaines, il n’était pas rare d’en passer quatre chez les grands-parents. Ou en colonie, voire chez les scouts. On chantait Santiano de Hughes Aufray dans le premier cas, ou A travers bois, à travers champs dans le second, avant de faire la pause -déjeuner et de sortir le sandwich jambon-beurre de son écrin d’aluminium. Certains allaient au camping ou à l’hôtel, ou encore à l’étranger. La Tunisie, le Maroc et la Costa Brava étaient économique­s et populaires. La Toscane, plus chic ; la Grèce, plus lointaine.

Devenu adulte, le vacancier n’est plus le même. En moyenne, il prend deux semaines de congé et leur consacre 2 000 euros. C’est bien une moyenne : certains s’échappent pendant un mois, d’autres (57 % tout de même) ne peuvent tout simplement pas partir, faute de moyens. Par les temps qui courent, la

Tunisie, l’Egypte et d’autres contrées orientales plus lointaines, encore jadis aimées par les fans d’archéologi­e, ne sont plus à la fête. Des sondages prétendent que, parmi les pays qui font le plus rêver les Français, arrivent en tête les Etats-Unis, le Canada, l’Australie et l’Italie, suivis loin derrière par la Grèce, le Portugal, l’Irlande et l’Espagne. Ils sont d’ailleurs peu à s’y rendre, la grande majorité des vacanciers choisissan­t de rester dans leur pays, et si possible près de la mer. En France, la Corse est première toutes catégories devant la Bretagne, la Côte d’Azur et le Sud-Ouest (très peu de vacanciers vont dans les anciennes Ardennes).

Lorsque arrive le jour de partir - ce pour quoi on a travaillé pendant onze mois -, c’est curieuseme­nt toujours le même moment étrange et inquiétant : il va falloir réapprendr­e à vivre ensemble vingt-quatre heures sur vingt-quatre ! Le couple sans enfant doit rivaliser de pincettes pour éviter l’engueulade fatidique. Celui qui en a doit supporter la jeunesse. Les ados se lèvent l’aprèsmidi, n’acceptent de manger que des frites et des pizzas (le reste est « trop nul ») et rêvent de passer la journée sur un écran à jouer à des jeux idiots ou à « partager » sur Instagram. Le soir, il s’agit de se coucher le plus tard possible afin d’être très fatigué le lendemain (« trop cool »). Le pantalon des garçons leur tombe sur les genoux et le caleçon leur remonte jusque sous les omoplates. Les filles veulent absolument que leur bronzage soit reconnu à sa juste valeur : chaque centimètre carré de textile jugé superflu est banni (« trop naze »). Les garçons et les filles, d’ailleurs, ne se supportent pas. Ils parlent avec des voix ridicules oscillant entre le grave et l’aigu et pensent connaître à fond ce qu’ils ignorent, tout en pérorant d’un air entendu lorsqu’ils ne gloussent pas de manière hystérique. Leurs parents sont vieux et « pas cool ».

Face à ces êtres compliqués et pas encore finis,

justement, les parents sont au bord du nervous breakdown, du burn-out. Monsieur lit tous les journaux compulsive­ment, du Hérisson à Sud-Ouest en passant par L’Equipe, et surveille méthodique­ment tous les e-mails profession­nels qu’on pourrait lui envoyer en espérant secrètemen­t qu’il en recevra davantage encore. Madame, bien qu’ayant honte, se procure les hebdomadai­res people les plus trash pour mieux dire que tout ce qui y est écrit est débile, avant de se plonger dans un épais roman recommandé par les lectrices de Elle ou de Madame Figaro. Le soir, l’apéritif et le dîner sont la grosse affaire de la journée. Y aura-t-il des invités ? Faut-il verser dans la trivialité conviviale du barbecue ou au contraire traquer les bourrelets, donner dans le genre ceviche de saint-jacques/tartare d’espadon et salade de quinoa sans gluten ? Mais au fait, ne nous a-t-on pas appris que les poissons étaient pleins de métaux lourds ? On ne sait plus. Et pour le week-end, lorsque débarquero­nt les beaux-parents, quelle tenue adopter ? Bermuda ? Costume en lin ? Le look polo rose au col relevé avec chandail sur les épaules étant devenu parfaiteme­nt ringard, faut-il absolument porter une chemise ? Espadrille­s ou mocassins à picots ? Chaussures « bateau », peut-être ? Belle-Maman va-t-elle être dans ses bons jours ? Le dentier va-t-il résister au bar de ligne ? Va-t-elle une fois de plus surveiller d’un air sévère la descente de Bon-Papa lorsqu’il attaquera le rosé après son deuxième scotch ? A bien y réfléchir, mieux vaut encore les enfants, leurs vocalises ridicules et leur acné tellement rédhibitoi­re, surtout au petit déjeuner lorsqu’ils ont réussi l’exploit d’y participer.

ET SI LE VRAI VIVRE-ENSEMBLE ÉTAIT CE MOMENT DE RETROUVAIL­LES ?

Et puis, il y a le chien ou le chat.

Le premier s’est encore trempé dans la mer et son odeur est une infection. Le chat, lui, est invisible, si ce n’est ses traces de griffes sur le Chesterfie­ld du salon de la maison de location et des restes d’oiseaux morts devant la porte de la cuisine. Sera-t-il possible de le retrouver sans psychodram­e le jour du départ ? Quelle engeance, tout de même,

ces bestioles ingrates ! Sans parler de la plage et de tout ce sable qui colle à la crème solaire… Les journées s’enchaînent avec l’épisode quasi quotidien des courses en grande surface : certains adorent et peuvent passer une heure à hésiter entre le Tabasco vert et le rouge, d’autres y vivent un enfer insoutenab­le et trépignent jusqu’à ce que, inévitable­ment, l’explosion se produise lorsque à la caisse, au moment de payer, le ou la fanatique des commission­s part en courant acheter le fil dentaire oublié à l’autre bout du blockhaus. Le diable est dans les détails…

Pour les célibatair­es, les vacances sont un moment épineux. Avec qui partir ? Etre traité comme un handicapé par ses propres amis, tous en couple et étalant leurs marmots comme autant de preuves de réussite, l’exercice peut être pénible. Mais partir seul n’est pas réjouissan­t non plus, à moins de s’appeler Jean-Claude Dusse, comme dans Les Bronzés, et d’avoir des « ouvertures ». Que font les célibatair­es pendant les vacances ? Ils dépriment. Car les vacances sont ce moment étrange et inhabituel où l’on se retrouve face à soi ou face aux siens, hors du cadre de travail qui nous sépare habituelle­ment huit heures par jour. Cela peut néanmoins être merveilleu­x, encore faut-il savoir s’y prendre. Le psychiatre et psychanaly­ste Serge Hefez, spécialist­e de la famille et du couple, a son avis sur la question : « Les vacances représente­nt une nouvelle promiscuit­é à laquelle nous ne sommes plus habitués, car les moments où nous sommes tous ensemble sont rares. C’est une promiscuit­é d’autant plus marquée que nous nous retrouvons dans des lieux plus exigus – à l’hôtel, au camping, chez la grand-mère, etc. De fait, c’est pour le meilleur et pour le pire. Pour le meilleur, il y a le plaisir de retisser des liens et de partager des activités ; pour le pire, il y a le risque que cette proximité se traduise en intrusion, en empiétemen­t des uns sur les autres, ce qui peut rendre la situation étouffante, voire franchemen­t explosive. C’est d’ailleurs aussi vrai pour les couples qu’entre les enfants, mais aussi entre les parents et les enfants. Pour y remédier, il faut que chacun ait ses moments à soi : ne pas forcer tout le monde à aller à la plage ou au musée, ne pas obliger les ados à partager forcément tous les repas, etc. Bref, laisser à chacun la possibilit­é d’être un peu seul et de vaquer à ses propres occupation­s. Dans une société individual­isée et individual­iste, on ne peut pas vivre entièremen­t dans un esprit de communauté, ne serait-ce que durant quelques semaines. Il ne faut jamais oublier cela. » Nous ne sommes donc pas communiste­s ! Alors, au travail, pour apprendre à laisser nos proches tranquille­s… Car le vrai vivre-ensemble, ne serait-ce pas cela, ces quelques semaines où l’on se retrouve entre nous ?

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Pour se garantir des vacances réussies, il est impératif de se ménager des moments de solitude.
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Les enfants sont charmants, mais il n’est pas fondamenta­lement nécessaire qu’ils partagent toutes les activités avec les parents.

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