Le Figaro Magazine

Dans la tête imaginaire de… Arletty

- PROPOS MIRACULEUS­EMENT RECUEILLIS PAR CLARA GÉLIOT

Il y a vingt-cinq ans, par un soir d’été, l’enfant du paradis s’envolait retrouver ses copains en zone tranquille. Lorsque nous l’avons rejointe là-haut, un petit bouquet de garances à la main, l’effrontée aux moeurs aussi libres que la parole s’amusait à refaire l’histoire devant Max Gallo, né l’année où sortait dans les salles de cinéma parisienne­s La Belle Aventure. Et Dieu sait que sa vie en fut une…

Alors, quelle est l’atmosphère au paradis ?

Vous pensez, j’y suis pas encore ! Avec toutes ces histoires, ils m’ont fichue au purgatoire. Mais j’dois dire que j’suis choyée ici : l’Gabinos râle, mais il sait parler aux femmes, Tristan Bernard est aux petits soins depuis que j’l’ai fait libérer, Céline charge Toto, son perroquet, de me raconter les souvenirs de Courbevoie, Prévert m’écrit des poèmes et Carné s’amuse à nous filmer. Barrault, lui, ne dit rien…

Fernandel est-il aussi de la partie ?

Evidemment. Avec sa gueule de cheval, il était sûr d’être à l’arrivée !

C’est avec eux que vous passez la nuit du 4 août ?

Non, j’irai plutôt dîner avec mes nobles amis : la duchesse d’Harcourt, la comtesse de Tocquevill­e et la princesse de Broglie. Et je leur montrerai comment transforme­r les mauvais souvenirs. Tout dans la vie est une question de « savoir-rire ».

Trouvez-vous qu’on en manque en ce bas monde ?

On dirait, oui. Au lieu de vous détendre, vous faites des burn-out. Nous, on savait profiter. Et pourtant, on était occupés…

Avez-vous recroisé votre officier allemand ?

Oui, mais il était avec sa légitime, alors j’me suis pas approchée. J’veux pas lui chercher des noises, d’autant qu’elle a été classieuse à la mort de mon Faune, elle m’a rapporté nos courriers. De toute façon, le passé c’est le passé.

Cette histoire d’amour avec un Allemand en pleine guerre vous a quand même causé du tort…

Et pourtant, ça regardait personne. Si mon cul est internatio­nal, mon coeur est français. Simone Veil vient de vous rejoindre.

Que lui avez-vous dit à son arrivée ?

Qu’entre sa loi pour l’avortement et son combat pour l’Europe, elle était celle qui aurait arrangé tous mes soucis.

Que vous inspire Emmanuel Macron ?

J’aime bien sa façon de prendre les bonnes idées de chaque côté. Mais la politique, c’est pas trop mon truc. Et aux artistes engagés, qui pensaient à gauche et vivaient à droite, j’ai toujours préféré les « dégagés ».

Quel est votre état d’esprit du moment ?

Pas très résistante.

Et la religion dans tout ça ?

Dieu merci, je suis athée !

Mais vous êtes baptisée…

Ça n’empêche pas. En taule, à la Libération, une religieuse a voulu me rapprocher de Dieu. Je lui ai répondu que nous nous étions connus et que ça n’avait pas marché.

Qu’avez-vous pensé de la proclamati­on de la loi autorisant le mariage homosexuel ?

Je serais mal placée pour jouer les outrées. Mais j’aime pas trop parler de mes conquêtes féminines. Je suis un gentleman !

Que vous inspirent nos icônes glamour ?

Celles qui ont un peu vécu me semblent toutes déformées par la chirurgie. C’est dommage. Cacher son âge, c’est supprimer ses souvenirs.

Et les petites jeunes ?

Le problème, c’est qu’ces poules-là sont jamais seules, elles viennent souvent avec leur connerie. Si vous les invitez, mettez un couvert de plus !

Avez-vous trouvé que Laetitia Casta faisait une bonne Arletty sur le petit écran ?

Elle était plus belle sur le grand en B a rdot. Bardot, elle a changé les canons de la beauté. Avant elle, les stars descendaie­nt les escaliers empanachée­s. Elle les montait nue. Le public y a gagné.

Qu’avez-vous dit à saint Pierre en arrivant là-haut ?

Pour une belle prise, c’est une belle prise !

 ??  ?? L’icône revit notamment dans la biographie de David Alliot, « Arletty. Si mon coeur est français » (Tallandier), et dans une version restaurée des « Enfants du paradis » de Marcel Carné (Pathé).
L’icône revit notamment dans la biographie de David Alliot, « Arletty. Si mon coeur est français » (Tallandier), et dans une version restaurée des « Enfants du paradis » de Marcel Carné (Pathé).

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