Le Figaro Magazine

LES HABITANTS RÉSIGNÉS S’ACCROCHENT À LEURS HABITUDES

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→ blessés. » La jeune fille travaille à l’hôpital local, à Kourakhovo, où nous rencontron­s plus tard Luba Leidovskay­a. A 55 ans, cette femme vit rue Octiabirsk­aya, perpendicu­laire à la rue Lénine et véritable couloir de tirs pour les snipers séparatist­es. Le 9 juin dernier dans la nuit, son mari et elle ont été touchés aux jambes par un obus tombé sur leur maison. Allongée sur un lit dans une chambre partagée avec trois autres patientes, elle se redresse à l’aide d’une barre au-dessus d’elle. « Ce n’est pas la première fois que ça nous arrive, raconte-t-elle, parlant au-dessus des bruyants ronflement­s d’une de ses voisines. J’ai été blessée deux fois à la tête et une fois aux jambes en trois ans. » Sur son visage aux traits tirés, on peut lire l’épuisement de l’hospitalis­ation, mais également une fatigue plus térébrante : celle d’une femme qui, depuis trois longues années, subit de plein fouet les affres d’une ligne de front qui ne dit pas son nom, certains médias parlant même de « ligne de contact », cruel euphémisme face à la souffrance de la population. « Je ne veux plus rentrer chez moi¸ poursuit-elle. Je ne suis pas en colère, je n’en veux à personne. Je veux juste la paix. »

Luba n’est qu’une parmi des dizaines de blessés par ces « contacts ». Natasha Moskalewsk­aya, 50 ans, a été atteinte à la jambe par une balle de calibre 7,62 mm alors qu’elle se trouvait dans son jardin. Chez la famille Alochena, c’est un obus qui a traversé la chambre des enfants, Alexander et Daniel, 9 et 14 ans : par miracle, seul l’aîné fut légèrement touché à la tête et la blessure n’a laissé aucune séquelle, tandis que leur grand-mère a eu sa maison détruite une semaine plus tôt. Quant à Alla Tchouba et son mari, ils sont les derniers habitants de leur bloc : leur maison, qu’ils ont mis treize ans à construire, est un gruyère criblé par les balles et les obus. Eux aussi refusent de partir.

Sinistre liste exhaustive qui témoigne du quotidien des habitants de Marinka.

« Le nombre de victimes des affronteme­nts qu’on voit arriver s’est stabilisé depuis deux ans et demi, analyse Mikhail Chirkov, chef du service de traumatolo­gie. On manque cruellemen­t de médicament­s, comme dans tout le pays. MSF et La Croix-Rouge aidaient au début, mais plus maintenant. Ou alors ils envoient des cartons avec des pilules pour enfants dont on n’a pas besoin. Le problème, c’est aussi qu’à Marinka les gens sont pauvres, et encore plus depuis la guerre. » Dans cette région, beaucoup d’habitants travaillai­ent à Donetsk et ont donc perdu leur emploi. Mais ils ne semblent pas vouloir partir pour autant. Malgré le danger, malgré leurs voisins blessés, malgré l’oppression des tirs incessants, malgré tout ce chaos silencieux, la plupart des maisons de la rue Lénine sont encore occupées. Rima, 52 ans, et ses deux filles, Youlia et Alena, vivent encore chez elles, →

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