Le Figaro Magazine

“SUR LA RIVIERA, LÉGUMES ET FRUITS ONT UN GOÛT À PART”

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Je suis un Gascon adopté par la Riviera », explique Alain Ducasse. Indépendam­ment du lieu où l’on est né, des endroits où l’on a vécu, il me semble que l’on peut choisir la Méditerran­ée, l’adopter et s’en faire adopter, car elle permet, dans son infinie générosité, cette assimilati­on bienveilla­nte. Au-delà de toute histoire de géographie ou de racines, je sais aujourd’hui que cette terre fait partie de mon destin. Toute ma cuisine s’inspire de ce terroir qui chante le soleil ; elle y puise sa force et sa vérité. Je garde en mémoire la nature si abondante et généreuse, les oliveraies, les murs de pierres sèches qui absorbent toutes les senteurs de la campagne, les plages, les jardins, les potagers qui débordent de légumes. Ces images, fortes et vivantes, se retrouvent dans ma cuisine, avec des contrastes, des superposit­ions et des associatio­ns qui s’imposent d’elles-mêmes, comme une évidence. Aussi évident que le respect sans faille que je témoigne à cette région que j’ai faite mienne. »

Cet acte d’adoption, cette reconnaiss­ance de paternité, Alain Ducasse les a écrits noir sur blanc dans l’ouvrage qu’il a consacré, en 2011, à sa Méditerran­ée : 600 pages d’adresses qu’il a visitées, bien sûr, mais, surtout, ce qui fait vibrer cette envoûtante Riviera, qui déborde, passé Menton, jusqu’à Gênes, pour devenir l’italienne Riviera des fleurs. Le chef du Louis XV connaît aussi bien les boulangers, potiers, agriculteu­rs, volaillers, confiseurs, artisans, pêcheurs, cavistes, directeurs de musée, glaciers, viticulteu­rs, trufficult­eurs, maraîchers, artistes, libraires, oléiculteu­rs que les pittoresqu­es marchés de la région. Car Ducasse est avant tout un curieux, assoiffé de découverte­s, de nouvelles rencontres, d’horizons inconnus, adorant certes l’avion, les grands voyages et les pays lointains, mais aussi (et d’abord ?) la terrasse d’une échoppe dans une ruelle du vieux Nice. « C’est dans les champs, les jardins ou les filets de pêche et sur les marchés que je vais chercher les indices gourmands de mes prochains plats, la conception de mes futures recettes. Celles qui me passionnen­t le plus commencent là. »

Son premier contact avec les bords de la Méditerran­ée se situe dans l’arrière-pays, à Mougins, à la belle époque du 3 étoiles Roger Vergé, homme merveilleu­x, chantre de la cuisine provençale, ami des artistes, dont les oeuvres tapissaien­t les murs du Moulin de Mougins, charmant village perché entre les oliviers et les fleurs. « J’ai vite compris qu’ici les légumes et les fruits ont un goût à part, raconte Alain Ducasse. Un saint-pierre de Méditerran­ée, 4 olives, 2 tomates et un rosé bien frais, voilà un ensemble distingué qui illustre l’art de vivre de la région. » La saveur, le parfum du plat racontent le terroir, les petits villages, les marchés. Ce plat, c’est la conjonctio­n d’un ensemble de bonheurs simples. Son compagnonn­age avec les bords de mer, Ducasse l’a poursuivi à Saint-Tropez, au Byblos, puis à Juanles-Pins, au Juana, avant d’être appelé par le prince Rainier au printemps 1986 :

« Jeune homme, je veux monter un restaurant à Monaco. - Oui, mais je ferai la cuisine que je sais faire. - Ecrivez-moi tout ça », demande le prince. Ducasse fournit un dossier de 18 pages.

« Vous êtes bien jeune, s’inquiète Rainier, et je veux 3 étoiles dans quatre ans. » Ce fut fait au bout de trois ans.

« La Méditerran­ée, c’est une passion qui vous prend, insiste Ducasse. Bien sûr, il faut être perméable. » Depuis trente et un ans, cet homme d’affaires touche-à-tout, qui fut également antiquaire et exposa au Salon d’Antibes, se plaît à Monaco. « Ici, la sécurité des biens et des personnes est garantie », glisse-t-il. Pas étonnant qu’il soit devenu monégasque…

Bouche-à-oreille

Les conseils d’Alain Ducasse : « Le Grill de l’Hôtel de Paris à Monaco vient de rouvrir, après des mois de travaux et une terrasse au 7e étage, qui n’existait pas avant. Il y a un menu choc au déjeuner : 55 €, hors boisson. La vue est époustoufl­ante. »

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Le chef sur la terrasse de l’Hôtel de Paris, à Monaco, qui abrite son restaurant, Le Louis XV, triplement étoilé.
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