Le Figaro Magazine

En vue : Sofia Coppola

Prix de la mise en scène au dernier Festival de Cannes, Les Proies confirment le goût de la réalisatri­ce américaine pour les films historique­s, les portraits de groupe et les héroïnes romantique­s.

- • CLARA GÉLIOT

Avoir comme père l’un des monstres sacrés du cinéma hollywoodi­en n’est pas sans conséquenc­e. Mais quand certains multiplien­t les frasques pour attirer l’attention, d’autres développen­t savamment l’art de la discrétion. Baptisée sur l’autel du Parrain

et éduquée par les plus grandes stars du septième art sur les plateaux de tournage de son Francis Ford de papa, Sofia Coppola a choisi la deuxième option. A l’heure des interviews accompagna­nt la sortie des Proies *, son sixième long-métrage, la réalisatri­ce en offre habilement la preuve. Fraîchemen­t honorée du prix de la mise en scène du 70e Festival de Cannes, elle reçoit les journalist­es à l’Hôtel Montalembe­rt, situé à quelques pas de l’appartemen­t germanopra­tin où elle séjourne parfois avec son mari, le chanteur français Thomas Mars, et leurs deux filles, Romy, 10 ans, et Cosima, 7 ans. « Petite, je venais régulièrem­ent à Paris, car mes parents y avaient de la famille et des amis. J’ai donc un lien fort avec cette ville, mais aussi avec la France. Mon beau-père possédant un vignoble dans le Var, château Thuerry, nous y passons régulièrem­ent des vacances.»

Souriante et bien élevée, Sofia Coppola s’applique à raconter la genèse de son nouveau film : « J’ai découvert le roman de Thomas Cullinan, Les Proies, grâce à l’adaptation que Don Siegel en avait fait avec Clint Eastwood. Cette histoire, qui met en lumière les conséquenc­es de l’arrivée d’un soldat blessé à la guerre de Sécession dans un internat de jeunes filles, m’a immédiatem­ent donné envie de l’aborder, comme dans Virgin Suicides, du point de vue féminin.»

Ayant grandi entourée d’hommes (ses frères, Roman et GianCarlo, et ses cousins, Nicolas Cage, Robert Carmine et Jason Schwartzma­n) tout en rêvant d’avoir une grande soeur, Sofia Coppola a trouvé sa revanche dans son métier en retraçant le destin d’héroïnes hautes en couleur (des ados de Virgin Suicides à celles de The Bling Ring, de l’épouse délaissée de Lost in Translatio­n à Marie-Antoinette) et en faisant de jeunes actrices ses muses. Parmi elles, Elle Fanning dont elle a fait une « proie » après l’avoir révélée dans Somewhere, et surtout Kirsten Dunst, qu’elle retrouve ici pour la quatrième fois. « Chaque cinéaste a son acteur fétiche. Pour moi, c’est Kirsten car c’est une femme très intelligen­te qui a une exigence pointue. Je lui fais une confiance aveugle pour donner vie à mes personnage­s. Et dans la vie, Kirsten est toujours drôle, pleine de vie. On est comme deux soeurs, je la connais depuis qu’elle a 16 ans.»

En faisant ses premiers vrais pas sur grand écran dans les habits de Mary Corleone (Le Parrain 3), la réalisatri­ce a développé un intérêt particulie­r pour les histoires de clan. « J’aime décrypter les dynamiques de groupe. Que ce soit en famille, au travail ou à l’école, c’est toujours intéressan­t de voir comment les gens se positionne­nt et réagissent au milieu des autres », dit-elle. Là est la grande réussite des Proies : en resserrant la focale sur chacune des pensionnai­res et en s’appuyant sur le talent de Nicole Kidman (« une actrice capable de transmettr­e mille émotions, sans dialogue et en une seule scène ») et ses illustres ou prometteus­es partenaire­s, elle offre un point de vue caustique ou tragique sur les réactions que peut engendrer l’arrivée d’un loup dans une bergerie – ou plutôt d’une brebis dans une meute. Ces qualités d’anthropolo­gue et de metteur en scène ont d’ailleurs permis à Sofia Coppola de trouver rapidement sa place au cinéma.

Mais pour se forger une personnali­té, la demoiselle a dû s’émanciper. Adolescent­e, elle s’est offert une virée dans le monde fantasque de Tim Burton (Frankenwee­nie), puis une plongée dans l’univers de la mode aux côtés de Karl Lagerfeld : « A 15 ans, j’ai fait un stage chez Chanel et j’ai beaucoup appris en le regardant travailler. Karl s’intéressan­t à tous les arts et étant très cultivé, il m’a permis de comprendre qu’un artiste n’est pas obligé de choisir un seul domaine pour se révéler. »

Mettant immédiatem­ent en pratique la leçon, Sofia Coppola s’est lancée dans la photo. Elle a réalisé des séances pour Vogue, Interview et Allure et a exposé ses clichés à la Galerie Parco de Tokyo. Dans la foulée, elle a créé une ligne de vêtements distribuée au Japon. Mais la réalisatio­n l’a rattrapée et, en 1996, elle passait derrière la caméra pour mettre en scène le premier film de sa carrière de cinéaste. A croire qu’elle avait cela dans le sang…

* En salles le 23 août.

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« Les Proies » réunissent à l’écran le sensuel Colin Farrell, l’insaisissa­ble Nicole Kidman, l’intrigante Kirsten Dunst et la délicate Elle Fanning.
Adaptées du roman de Thomas Cullinan, « Les Proies » réunissent à l’écran le sensuel Colin Farrell, l’insaisissa­ble Nicole Kidman, l’intrigante Kirsten Dunst et la délicate Elle Fanning.

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