Le Figaro Magazine

Dans la tête de... Tristan Auer

- PROPOS RECUEILLIS PAR LAURENCE HALOCHE

La signature de Tristan Auer est discrète. Pourtant, l’architecte d’intérieur, designer, directeur artistique du pôle luxe de Wilson Associates en a sous le coude : des réalisatio­ns prestigieu­ses comme la rénovation du Crillon, des projets qui, dans le monde entier, le conduisent à intervenir dans des domaines variés : hôtels, villas, lignes de mobilier, automobile, mode… S’y révèlent à chaque fois un talent protéiform­e et une approche valorisant le sur-mesure, la culture de l’élégance française et le savoir-faire des meilleurs artisans. Pas étonnant qu’il ait été élu créateur de l’année par le salon Maison & Objet qui se tient à Villepinte du 8 au 12 septembre. Une reconnaiss­ance pour cet homme qui affirme n’avoir « jamais eu aucune ambition » hormis celle de satisfaire ses clients.

Pourquoi s’adresse-t-on plutôt à vous qu’à un autre ?

Peut-être parce que je sais m’intéresser vraiment aux autres… J’aime écouter, échanger, concevoir pour autrui. Mon métier, je l’exerce un peu comme un tailleur.

Quelles sont vos sources d’inspiratio­n ?

Je les trouve souvent hors de mon métier. Si je prends le train, j’achète des magazines sur le tricot, la chasse à courre, la coiffure… Les choses intéressan­tes n’arrivent jamais là où on les attend : elles naissent des chocs, des accidents.

Une figure marquante du design ?

Carlo Mollino, une personnali­té créée de toutes pièces, libre et passionnée.

Dans quel pays émerge, selon vous, l’architectu­re la plus novatrice ?

L’important est de savoir si ça va dans le bon sens. L’architectu­re écologique et l’économie de moyens m’intéressen­t plus que le gigantisme.

Un monument parisien qui vous ressemble ?

J’aime les bâtiments assez massifs comme le palais de Tokyo ou le Trocadéro.

Une raison d’être fier d’être français ?

On a su se réinventer. Ça horripile une bonne partie du monde, mais beaucoup nous envient ce sens aigu de la critique qui nous permet de faire sans cesse de petites révolution­s, d’évoluer.

Un musée où s’attarder ?

Le musée de la Chasse et de la Nature pour sa scénograph­ie et le musée Gustave-Moreau.

Quels artistes vous touchent ?

Ça va de Gianni Bertini, l’un des premiers à avoir inventé le pop art français, à l’art cinétique de Carlos Cruz-Diez, en passant par les sculptures de Gérard Choain.

Un matériau dont vous n’avez pas fait le tour ?

La fonte d’aluminium. Je me souviens qu’ado, je faisais une boule avec le papier alu qui enveloppai­t mon sandwich puis je la compressai­s, la frottais contre les murs… Un objet, déjà.

Quel objet justement ne vous quitte pas ?

Un Critérium pris chez Starck lorsque j’y travaillai­s.

Vous n’avez pas abandonné le papier ?

Pour moi, tout commence toujours par une feuille de papier, très large. J’aime la spontanéit­é dans le dessin, la liberté du geste.

Un ouvrage de référence ?

Un de mes fils s’appelle Colin. J’aime l’absence d’interdits de Boris Vian. Après avoir visité sa maison, cité Véron, j’ai d’ailleurs acheté une réédition de sa chaise musicale réalisée à partir d’équerres en bois. Superbe !

Quels convives pour un dîner idéal ?

Boris Vian, Jacques Prévert, Jean d’Ormesson, Pierre Berger, Jacques Brel, Simone Veil, Andrée Putman, Hélène Rochas…

Un jardin où prolonger l’été ?

Les jardins Albert-Kahn, à Boulogne-Billancour­t.

Un lieu de repli ?

Les lieux qui ne sont pas pollués visuelleme­nt, tellurique­s, comme l’Aubrac ou les Cévennes. Je pars souvent en voiture avec mes enfants sans but précis avec la seule envie d’observer ce qui nous entoure.

Une ville qui vous inspire ?

Milan, si raffinée derrière son architectu­re puissante.

Quel autre métier auriez-vous pu exercer ?

J’aurais pu être une excellente gouvernant­e générale. Je remarque tout ce qui ne va pas. Ça va jusqu’à la maniaqueri­e, mais je me soigne. Sinon, on finit seul !

Un conseil à un jeune designer ?

Combattre ses peurs. Peur de l’autre, de l’inconnu, du manque, peur de demander et de recevoir, peur d’aimer…

Une devise ?

La chance sourit à ceux qui y sont préparés.

 ??  ?? Créateur de l’année 2017, Tristan Auer a fondé son agence, Izeu, en 2002. Son
idéal ? « Faire en sorte que le design et la décoration adoucissen­t la vie de (ses) clients. »
Créateur de l’année 2017, Tristan Auer a fondé son agence, Izeu, en 2002. Son idéal ? « Faire en sorte que le design et la décoration adoucissen­t la vie de (ses) clients. »

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