LA BATAILLE DES FRONTIÈRES
SE JOUE EN LIBYE
La protection de nos frontières ne commence pas sur nos plages, mais dans le désert. Emmanuel Macron en est convaincu. « Notre sécurité, a-t-il dit au Point, est tout l’enjeu de mon engagement pour la Libye ».
Retour à Tripoli ? Macron n’est pas partisan de l’« interventionnisme moral intempestif ». Il renouerait plut ôt avec la doctrine Eisenhower-Nixon : ne faites pas la guerre dans un théâtre inconnu, laissez faire ceux dont c’est le pays. En mars 2011, Sarkozy s’était engagé en Libye pour éviter à la population un bain de sang provoqué par Kadhafi, ce qui aurait poussé un million de réfugiés à traverser la Méditerranée. Pour cause de campagne présidentielle française, le « service après-vente » de l’élimination de Kadhafi (par exemple, le placement de la Libye sous tutelle de l’ONU) n’a pas été assuré. Le pays a été abandonné et les migrants ont embarqué sur les bateaux des trafiquants aidés par des policiers corrompus, créant une formidable crise migratoire.
Dans le chaos, deux autorités politiques concurrentes se sont imposées, celle du maréchal Haftar, et celle du Premier ministre al-Sarraj. Il fallait en sortir. Macron a su réunir, le 25 juillet, les frères ennemis libyens en présence des pays de passage du sud de la Libye, le Niger et le Tchad, au château de La CelleSaint-Cloud. Heureux présage, cette propriété du Quai d’Orsay a abrité en 1955 les discussions qui aboutirent à l’indépendance du Maroc puis, en 1989, celles des Khmers et des Vietnamiens qui ramenèrent la stabilité au Cambodge.
De la rencontre de la Celle-Saint-Cloud n’est sorti qu’un communiqué prudent. Mais tout a bougé : le 2 août, les Italiens interceptaient un navire d’une ONG allemande au service des migrants ; et, le 10, le Premier ministre libyen interdisait aux « navires étrangers », ceux des ONG complices des trafics, de pénétrer dans ses eaux territoriales. Enfin du concret !
Le 28 août, Macron conviait Africains et Européens à l’Elysée ; le 4 septembre, Le Drian s’envolait pour Tripoli. Avec un double souci en tête : comment distinguer les « vrais » réfugiés des autres, avant leur traversée de la Méditerranée, et surtout comment les dissuader de partir... Qui est crédible pour le faire ? Les Libyens et leurs patrouilles en mer des Libyens, comme avant 2011. Ceux-là, les trafiquants en ont peur. Pas des Européens.
Macron ne croit pas à l’interventionnisme moral intempestif : il renouerait plutôt avec la doctrine Eisenhower-Nixon