Le Figaro Magazine

COMMENT FACEBOOK MENACE LA PRESSE

Le trafic généré par ce géant du réseau social met en danger les éditeurs de presse. Captant, avec Google, 60 % du marché mondial de la publicité, il impose ses règles et offre aussi une informatio­n accessible à tous, sans vérificati­on des sources, souven

- BENJAMIN FERRAN

Il est le rédacteur en chef le plus puissant du monde. Chacune de ses humeurs et de ses décisions est scrutée par des milliers de journalist­es, qui ont appris à écrire pour lui plaire. Dès qu’il fixe un nouveau cap, des rédactions du monde entier se mettent en ordre de marche et lui emboîtent le pas. Ceux qui tardent courent le risque d’être rayés du web. A la tête de Facebook, Mark Zuckerberg dispose d’un pouvoir sans précédent sur les médias. Très tôt, le jeune entreprene­ur a mesuré l’importance de l’informatio­n pour fidéliser ses visiteurs. Ses applicatio­ns attirent plus d’un milliard de personnes chaque jour, auxquelles il faut offrir sans cesse du nouveau. En France, les 18-24 ans s’informent déjà autant via le réseau social que sur les chaînes d’informatio­n en continu, selon Médiamétri­e. Chez nombre de médias en ligne, Facebook est devenu le premier pourvoyeur de trafic, et un partenaire indispensa­ble, que l’on redoute et ménage. Les arbitrages de Mark Zuckerberg ne sont pas ceux d’un rédacteur en chef comme les autres. Sur Facebook, les contenus doivent être percutants, engageants et plaisants. Les actualités sont noyées au milieu de photos de vacances, de vidéos humoristiq­ues et de pensées personnell­es. Pour émerger de ce flux et être sélectionn­é par les algorithme­s, c’est la course à qui sera aimé ou partagé davantage. La popularité au mépris, souvent, de la qualité et de la diversité de l’informatio­n.

Les travers de ce système sont apparus au grand jour durant la campagne présidenti­elle américaine. Des médias peu scrupuleux ont diffusé des actualités saugrenues ou mensongère­s, comme un soutien public du pape François à Hillary Clinton, dans le seul but de générer de l’engagement et d’attirer des lecteurs et militants trop crédules, prêts à tout croire pour conquérir la Maison-Blanche. Certaines pages diffusant de fausses actualités ont été davantage partagées que celles de médias traditionn­els. Alors qu’il avait commencé à nier le phénomène, se retranchan­t derrière une neutralité technologi­que, Facebook a entrepris un grand ménage pour mettre fin au scandale des « fake news ». Une mission a été lancée pour travailler avec des journalist­es à la détection de fausses informatio­ns. Mark Zuckerberg a aussi annoncé que les pages qui ne respectent pas son code de conduite n’auraient plus le droit de gagner de l’argent. Une manière de rassurer les annonceurs sur la qualité de son « journal ».

Car là est bien le nerf de la guerre. Par sa puissance et son omniprésen­ce, Facebook s’est inséré entre les marques et les médias, et aspire une part grandissan­te de la publicité sur le web. Au cours des six premiers mois de l’année, il a amassé 17 milliards de dollars de chiffre d’affaires, et près de 7 milliards de profits. En France, il a capté à lui seul la quasi-totalité de la croissance du marché des bannières publicitai­res sur internet durant le premier semestre. Hors de Facebook, point de salut. Pris en étau, éditoriale­ment et financière­ment, les vassaux de Facebook se révoltent. Aux Etats-Unis, un groupement de 2 000 éditeurs demande au Congrès de revoir les lois antitrust, pour peser davantage dans leurs négociatio­ns avec Mark Zuckerberg. De par le monde, les médias renouent le lien avec leurs lecteurs en mettant en avant leurs offres d’abonnement numérique. Pas question, pour Facebook, de desserrer son emprise. Il proposera bientôt aux médias de faire la promotion de ces offres au sein du réseau social. Toujours selon ses règles. ■

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Le PDG de Facebook est aussi le « rédacteur en chef » le plus puissant du monde. Il diffuse ses pensées via sa page personnell­e suivie par 96 millions de personnes.

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