LE TOUR DU MONDE EN PLEIN PARIS
C’est le plus grand salon international consacré aux arts premiers. Avec des splendeurs en provenance notamment de Polynésie, du Japon, du Bénin et du Bengale, la 16e édition de Parcours des mondes s’annonce plus éclectique et plus riche que jamais.
L’édition 2017 du Parcours des mondes ne manque pas d’étoffe ! A preuve, plusieurs des marchands d’arts premiers, français ou étrangers, qui investissent les galeries de SaintGermain-des-Prés comme chaque mois de septembre, présentent des textiles issus de tous les continents. Commençons par la Polynésie française. Elle est à l’honneur cette année, alors qu’une association fête la parution d’un livre sur le tapa (Tapa, sous la direction de Michel Charleux, Somogy Editions d’art), avec une exposition-vente de créations contemporaines, conférences et projections de films. Le tapa, quèsaco ? « C’est le plus inconcevable des matériaux ! Une étoffe faite d’écorce. Imaginez le temps, et la force, qu’il faut pour écraser à coups de pilon l’enveloppe d’un arbre jusqu’à lui donner la souplesse d’un tissu, s’enthousiasme l’antiquaire parisien Anthony JP Meyer. Cette fabrication fascina les premiers explorateurs abordant les îles du Pacifique au XVIIIe siècle. Le capitaine James Cook, le fameux, en emporta moult échantillons qu’il collait dans des albums, lesquels se négocient à prix d’or aujourd’hui. » Le tapa sert à tout : s’habiller, langer les bébés, séparer une pièce d’une autre, panser une blessure, protéger l’effigie d’un dieu lors de rites religieux. Anthony JP Meyer, la moustache triomphante, a réuni une dizaine de pièces anciennes – pagnes, masques et autres vêtements cérémoniels. Il est très fier d’un coupon provenant des îles Salomon : long de 2 mètres et décoré, en couleur indigo, de dugongs stylisés, énormes créatures marines dont les autochtones
se nourrissaient. « Les tapas bleus sont peu fréquents, indique Anthony, le pigment était extrait des feuilles d’une plante rare. »
Autre population ingénieuse rencontrée dans ce Parcours : les Aïnous, aborigènes vivant sur l’île Hokkaido, au nord du Japon, longtemps malmenés par la majorité nippone. Ils façonnaient des vêtements à partir de l’écorce de l’orme qui, cette fois, n’était pas battue, mais tissée. Chacun sa méthode ! « C’est avec leurs dents que des femmes, les lèvres tatouées, en tiraient des fibres », souligne, avec un large sourire, l’Américain Thomas Murray qui nous apporte une robe datant de l’époque Meiji (1868-1912) magnifiquement conservée. Thomas Murray, officiant en Californie, est de ces marchands érudits dont le mysticisme se devine d’emblée. Quelles autres surprises nous réserve-t-il ? Une petite chose, mais infiniment précieuse : un carré de coton (sarasa) imprimé en Inde au XVIIIe siècle. A l’époque, les Indiens étaient les seuls à maîtriser l’impression sur tissu qui ne déteigne pas. Les Hollandais, commerçants futés, introduisirent les sarasas au Japon par l’intermédiaire de leur Compagnie des Indes. Articles de luxe, bien sûr, que seuls les personnages fortunés pouvaient s’offrir. Ils les utilisaient pour la cérémonie du thé. O vénérable cotonnade… Le textile étant notre fil conducteur, nous voici auprès de Jonathan Hope, Londonien disert. « A la fin des années 1970, raconte-t-il joyeusement, je suis parti en Indonésie avec quelques copains hippies un peu “allumés”. J’ai été émerveillé par la gentillesse des gens, fasciné par leur artisanat. J’ai eu la bonne idée d’acheter une étoffe dans le but de la revendre en Angleterre et de financer mon second voyage. J’y suis retourné et, après quelques aventures, j’ai découvert Sumatra puis Java. » L’Asie fait toujours battre le coeur à notre Jonathan. Parmi les trésors qu’il déploie dans une galerie de la rue des Beaux-Arts, on admire un kantha du Bengale datant de la fin du XIXe siècle dont les broderies illustrent des scènes quotidiennes encadrées d’adorables éléphants. Ce type d’ouvrage était réalisé par des villageoises à partir de saris récupérés dans les poubelles des riches, assemblés en couches par de minuscules points cousus main, et brodés. Ils étaient offerts à l’occasion d’un mariage. Changement de cap. Direction l’Afrique. La Galerie Schoffel de Fabry s’intéresse aux travaux perlés des Yorubas, groupe ethnique établi au Bénin et au Nigeria. Une collection raffinée de coiffes de chef et de sacs à divination en dit long sur leur savoir-faire. Inattendus chez un spécialiste d’art tribal, ces objets anciens côtoient les oeuvres d’une plasticienne contemporaine. Yveline Tropéa, Française amoureuse de l’Afrique au point de s’être initiée au vaudou, se partage entre Montreuil et Ouagadougou. C’est dans cette ville, au marché aux perles de Sankariaré, qu’elle se fournit. « La variété des coloris y est éblouissante. » Perle après perle, des jours durant, l’artiste brode des compositions animées de mystérieux personnages. Un beau voyage intérieur.
LAURENCE MOUILLEFARINE Parcours des mondes, du 12 au 17 septembre, Saint-Germain-des-Prés, Paris VIe (Parcours-des-mondes.com).