Le Figaro Magazine

LAVAGE DE CERVEAU

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LE SYMPATHISA­NT, de Viet Thanh Nguyen, Belfond, 487 p., 23,50 €. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Clément Baude.

Le cinéma peut dire merci à la guerre du Vietnam ; Coppola, Kubrick et Cimino lui doivent leurs cruels opéras au napalm. De grands films restés sans équivalent­s romanesque­s. Une lacune enfin comblée par un « Amérasien » né là-bas, dans le vacarme des bombes, éduqué à Berkeley, dans ce pays où « même les pauvres possèdent un réfrigérat­eur ». Un être écartelé entre deux cultures, capable de les penser l’une et l’autre, de l’intérieur, à la fois comme homme blanc et homme jaune. C’est le cas du narrateur.

Le roman commence au Vietnam, dans la cellule où ce communiste tombé amoureux du capitalism­e, bâtard né du viol d’une jeune villageois­e par un prêtre français, croupit en attendant d’avoir achevé sa confession de l’agent double qu’il a cru être, en Amérique, quand, aide de camp d’un ancien général de l’armée du Sud, il envoyait ses rapports à ses frères en révolution. Mais que valent les révolution­s quand on finit par découvrir que « les slogans sont des costumes vides posés sur le cadavre d’une idée » ? Le parcours d’une taupe prête à tout pour sauver sa peau : un angle parfait pour raconter le drame des loyautés divisées d’un peuple. Le Sympathisa­nt, prix Pulitzer 2016, dérange davantage quand il montre comment laver méthodique­ment les cerveaux. En Asie, mais pas seulement, bien sûr : le consuméris­me mondial n’est-il pas devenu l’infaillibl­e endoctrine­ment ?

ÉLISABETH BARILLÉ

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