Le Figaro Magazine

MISÈRE À CRÉDIT

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C’est un système qui ne fonctionne pas mais qui tourne pourtant à plein régime que décrit Marion Messina dans ce premier roman qu’on reçoit comme un crochet au foie : l’histoire d’une fille de prolos qui réussit le concours d’entrée à une grande école, mais qui ne peut la rejoindre parce que ses parents sont incapables de payer son logement dans cette ville loin de chez eux. Par conséquent, la jeune fille se retrouve dans une fac qui ne mène à rien, puis gagne Paris où elle végétera dans des boulots minables d’hôtesse d’accueil « volante » l’obligeant à se lever dès 5 heures du matin « pour ne rien faire toute une journée », faisant semblant de travailler devant un ordinateur sans connexion internet. Le soir, elle dort dans un foyer… Elle n’a pas 20 ans, mais son obsolescen­ce est imminente. Marion Messina est un sniper ; elle aligne ses cibles et dégomme tout, méticuleus­ement : étudiants idiots en sarouel qui écoutent de la mauvaise techno, sexe triste qui n’est plus qu’une imitation du porno sur internet, profs médiocres, entretiens d’embauche pompeux et régressifs, lettres de motivation impossible­s par définition, voyages matinaux dans les transports en commun : c’est la misère contempora­ine, celle de la précarité programmée, une machine à broyer que tout le monde finit par trouver normale. Mais la nouvelle Cosette appartient à son triste temps : chez la jeune Messina, Céline et Houellebec­q ont remplacé Hugo et Zola. Le résultat est vitriolant.

Faux départ, de Marion Messina, Le Dilettante, 220 p., 17 €.

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