De notre correspondant… en Angleterre
En haut de la manche gauche de son treillis camouflé, le général français Hervé Bizeul arbore l’Union Jack et le rhinocéros blanc sur fond noir, l’insigne de la 1st (UK) Division, l’une des plus importantes unités d’infanterie de l’armée britannique dont il assure actuellement le commandement adjoint. Du jamais-vu depuis 1916, à l’époque où le général Joffre avait pris la tête de plusieurs divisions de l’armée anglaise pendant la bataille de la Somme. Mais il continue toujours de porter le drapeau tricolore, surmonté de l’écusson des troupes de montagnes – son arme d’origine –, sur l’épaule droite, ainsi que ses deux étoiles de général de brigade sur la poitrine.
Basé depuis un peu moins d’un an à York, dans le nord de l’Angleterre, le général vit avec sa famille comme n’importe quel officier supérieur de sa Très Gracieuse Majesté, tandis que la plus jeune de ses trois enfants est scolarisée dans une école publique du Yorkshire. Sa carte d’identité de « british officer » en poche, il donne ses ordres dans un anglais parfait et a déjà assumé pendant trois mois l’intégralité du commandement de cette force composée de 12 000 militaires d’active et d’autant de réservistes, engagée dans des missions extérieures en Irak, en Afghanistan et à Chypre dans le cadre de l’ONU. « A ce niveau de responsabilité, c’est la première fois qu’un officier français est nommé à un tel poste en état-major, explique le général Bizeul. Cet échange s’inscrit dans la logique des accords de Lancaster House, signés en novembre 2010, qui renforcent la coopération franco-britannique dans le domaine de la défense. Parallèlement, le général britannique Nick Nottingham occupe des fonctions similaires
Entre nos deux armées, le Brexit n’est pas un sujet
aux miennes au sein de l’étatmajor de la 1re division de l’armée de terre à Besançon. Sur le terrain, ce lien permet aux deux pays d’appréhender au mieux les conditions concrètes d’une véritable force binationale. Le retour d’expérience, en termes d’harmonisation des moyens de communication, des contraintes logistiques et des savoir-faire est primordial. Ici, le Brexit n’est pas un sujet. Rarement nos relations en matière de défense ont été aussi étroitement imbriquées. » Depuis sa nomination en septembre 2016, le général Bizeul multiplie les déplacements et les missions d’entraînement et de formation en Tunisie, au Sénégal, en Pologne et à Chypre. Depuis quelques jours à Warminster, à l’ouest de Londres, il dirige un exercice déterminant pour la 1st Division et son système de commandement. Un enjeu majeur pour les deux principales puissances militaires européennes confrontées aux mêmes nécessités opérationnelles : contre l’Etat islamique et face au terrorisme, des deux côtés de la Manche, comme en opérations extérieures ou dans des missions de formation, au Moyen-Orient ou en Afrique. Destinés à valider les procédures d’emploi d’une force expéditionnaire commune et interarmées, capable d’être engagée dans des opérations bilatérales ou une coalition internationale, les manoeuvres de Warminster sont observées à la loupe par le monde de la défense. Promotion Montcalm (1980-1982) de l’école spéciale militaire de Saint-Cyr Coëtquidan, Hervé Bizeul débute au 6e bataillon de chasseurs alpins, puis au 2e régiment étranger de parachutistes. Capitaine en 1987, il est projeté au Tchad, puis à Djibouti, Muté au 159e régiment d’infanterie alpine, il est détaché comme observateur de l’ONU au Sahara. Après l’école de guerre, il rejoint le 13e bataillon de chasseurs alpins et sert en Bosnie et en Croatie. Passé à l’état-major de la 27e brigade d’infanterie de montagne, il est ensuite à Kosovska Mitrovica, au Kosovo. Puis il enchaîne les missions en Côte d’Ivoire et en Afghanistan. Général de brigade en 2014, il prend le commandement de la 27e brigade d’infanterie de montagne jusqu’à son départ pour le Royaume-Uni où il devrait rester encore une année au minimum. CYRIL HOFSTEIN