Le Figaro Magazine

Livres/Le livre de Frédéric Beigbeder

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De Gaulle avait choisi Malraux. Pompidou fréquentai­t Sagan. Giscard nomma Giroud. Mitterrand se confiait à Duras, Chirac à Tillinac. Même Sarkozy était soutenu par Houellebec­q. Sa campagne fut racontée par Yasmina Reza. Celle de Hollande par Laurent Binet. Comme le dit Macron lui-même( à propos deJürgenH aber mas ): « On se situe à un autre niveau. » (p. 245) Et soudain, c’est le drame : Philippe Besson a suivi la conquête du pouvoir par Emmanuel Macron dans Un personnage de roman. Accordons au jeune Président le bénéfice du doute : il l’a peut-être confondu avec Patrick ? Emmanuel Macron, le lecteur de Stendhal, dont le maître à penser fut Paul Ricoeur, a choisi Philippe Besson pour le suivre… C’est comme si j’apprenais à jouer de la guitare avec Keith Richards pour finir par monter un groupe avec Hervé Vilard. Le récit de campagne électorale ne fonctionne qu’en cas d’immersion satirique. C’est ainsi qu’il fut inventé en 1972 par Hunter S. Thompson. Publié dans Rolling Stone, Fear and Loathing : on the Campaign Trail’72 est le modèle du genre. Le reporter américain y osait tout. Il se défonçait dans les toilettes de l’avion présidenti­el. Il se moquait des deux candidats (McGovern était opposé à Nixon, qui l’emporta) avec une liberté inouïe. Il inventait une forme nouvelle de reportage subjectif : le gonzo. Philippe Besson n’invente aucune forme, à part le robinet d’eau tiède. Il ne dévoile rien qu’on ne sache déjà. Sa seule anecdote inédite est celle du Macron crotté. « La vache dégaze, le beau costume se retrouve taché de merde » est sans conteste la phrase la plus trash du livre. Besson gaffe ensuite sur les excès de vitesse du candidat à 180 km/h sur l’autoroute. Le reste n’est que rhubarbe et séné. Il recopie les éloges de Brigitte sur son dernier livre. Il est fier quand « Emmanuel M» le regarde chez Ruquier. Il écrit « Emmanuel M » pour faire « durassien, ça me plaît » mais stylistiqu­ement, le rythme de Duras est loin. Nous subissons le témoignage d’une groupie aveuglée par la dévotion. La tristesse du courtisan vient de ce qu’il est toujours prévisible. Voici ce qui advient quand on se choisit un mièvre mémorialis­te : on obtient un récit banal et complaisan­t, où les compliment­s ne sont pas seulement ridicules mais contre-productifs. L’ironie de cette hagiograph­ie, c’est que le lèche-bottes y donne une si creuse image du Président que ses flatteries pourraient lui valoir une brouille. Avec ce non-livre, Philippe Besson devient un boulet comme Richard Ferrand. Prochain livre : « Comment je fus black-listé du Château » ?

Un personnage de roman, de Philippe Besson, Julliard, 247 p., 18 €.

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