Le match : SNCF vs Deutsche Bahn
Nous demandons à SNCF d’aller plus loin sur les réformes, le statut, la mobilité, le régime de retraite. » Ces quelques mots lâchés cet été par le président Macron à une dizaine de cheminots, invités à dialoguer avec lui, ont eu l’effet d’une bombe. Au coeur du débat, notamment : les régimes spéciaux de retraite des cheminots, si souvent décriés, mais jamais vraiment réformés. Ils permettent aux conducteurs de partir à la retraite à 52 ans, et pour les personnels sédentaires à 57 ans, à condition d’avoir cotisé 166 trimestres. Le président de la République sait combien le dossier est brûlant. Mais si les cheminots renonçaient à leur statut ultraprotecteur, l’Etat pourrait accepter de reprendre une partie de la dette de SNCF Réseau (le rêve de Guillaume Pepy !), laquelle atteint la somme astronomique de 45 milliards d’euros. Plus que le chiffre d’affaires annuel de la vieille dame du rail, qui fête cette année ses 80 ans ! Un bon âge pour faire peau neuve et engager les réformes nécessaires alors que l’ouverture à la concurrence sonnera le glas du monopole de la SNCF en décembre 2019 pour les TER, puis en décembre 2020 pour les TGV.
En matière de réforme, la Deutsche Bahn, l’autre poids lourd européen du rail, a toutefois une longueur d’avance. Née de la fusion en 1994 de la Bundesbahn (Allemagne de l’Ouest) et de la Reichsbahn (ex-RDA), elle se trouvait au départ dans une situation guère enviable qui fait penser à certains égards à celle de la SNCF aujourd’hui, avec une dette de 70 milliards de marks (35 milliards d’euros), des personnels en excédent bénéficiant de nombreux privilèges statutaires, des lignes vétustes… En 2005, une restructuration musclée a été engagée. L’Etat a repris à son compte l’ardoise monumentale de DB moyennant quelques concessions : réduction des effectifs de 350 000 à 220 000, fermeture de 700 gares et surtout, disparition progressive du statut très protecteur d’agent public, qui ne concerne plus que 17 % des cheminots aujourd’hui. Plus question d’en faire profiter les nouvelles recrues, soumises au régime du secteur privé !
A la tête de DB depuis mars 2017, Richard Lutz, fils de cheminot passé par le poste de directeur financier, gère une entreprise plutôt en forme désormais : redevenue bénéficiaire en 2016 après une année de perte (la seule en douze ans), DB a vu ses bénéfices, ses ventes et son nombre de voyageurs grimper au cours du premier semestre 2017. Leader européen sur le marché du fret, DB rêverait de détrôner la SNCF qui détient, elle, le titre de numéro 1 du transport de voyageurs à grande vitesse avec ses 469 TGV (Thalys et Eurostar compris). Le match promet d’être serré.