Le Figaro Magazine

L’éditorial de Guillaume Roquette

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Est-ce parce qu’il est jésuite ? Ou qu’il parle à temps et à contretemp­s ? Le pape François n’est pas facile à suivre. Dans un livre retentissa­nt dont Le Figaro Magazine a publié il y a quinze jours en exclusivit­é de larges extraits, le souverain pontife adjurait l’Europe de s’ouvrir beaucoup plus largement aux migrants, balayant toute inquiétude concernant l’assimilati­on de ces population­s étrangères à notre culture. Ne fermez pas vos portes, disait-il en substance, l’identité de l’Occident réside autant dans son expérience du multicultu­ralisme et du métissage que dans ses racines chrétienne­s. Mais voilà que cette semaine, le pape semble faire marche arrière. Dans l’avion qui le ramène de Colombie, il explique aux journalist­es que les dirigeants de nos pays doivent accueillir les immigrés « avec la vertu propre d’un gouvernant, c’est-à-dire la prudence ». Et précise :

« Cela signifie d’abord : combien ai-je de place ? Car, il ne suffit pas de les recevoir, il faut aussi les intégrer. »

Le « en même temps » macronien semble avoir fait des émules au Vatican. Si on comprend bien le pape, il faut ouvrir nos frontières avec confiance… mais en restant prudent quand même. Sage précaution. On regrettera juste que François ne développe pas « en même temps » les deux parties de son raisonneme­nt quand il prend la parole. La compréhens­ion de ses prises de position s’en trouverait grandement facilitée. A moins évidemment qu’il ne le fasse exprès. Car contrairem­ent à nombre de ses devanciers, dont Jean-Paul II qui fit tant pour la chute du communisme, François n’est pas un politique. Quand il veut toucher les coeurs, il semble se ficher comme d’une guigne des conséquenc­es de son propos sur les affaires du monde. C’est sa marque de fabrique : Benoît XVI était le pape de la foi, il a choisi d’être celui de la charité. Quitte à passer, selon les mots sévères d’Alain Finkielkra­ut *, pour celui qui « réduit deux millénaire­s de christiani­sme à un insipide message philanthro­pique ».

Alors, c’est vrai, la réflexion papale sur les migrants pèche parfois par candeur. Bergoglio l’Américain sous-estime le choc de civilisati­ons que provoque en Europe l’immigratio­n massive en provenance de pays musulmans. Mais si une telle naïveté serait une faute chez un gouvernant (on pense à Angela Merkel ouvrant les frontières de l’Allemagne), elle est assumée par François qui entend parler en pasteur et non en chef d’Etat. Souhaitons simplement que cette liberté de parole ne soit pas réservée à un seul sujet. En France, le gouverneme­nt s’apprête à généralise­r la procréatio­n médicaleme­nt assistée aux couples de femmes, privant les enfants d’un droit essentiel, celui de connaître leur père. Une telle injustice ne peut laisser insensible le pape des droits de l’homme. * Dans En terrain miné. Une amitié conflictue­lle, remarquabl­e livre d’échanges épistolair­es avec la philosophe Elisabeth de Fontenay qui sort cette semaine aux Editions Stock (lire aussi p. 36).

LE “EN MÊME TEMPS” MACRONIEN

FAIT DES ÉMULES AU VATICAN

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