Le Figaro Magazine

TOUS AU SUPERMARCH­É !

Bousculées par de nouveaux acteurs en ligne, les grandes surfaces n’entendent pas lâcher pour autant le juteux marché des foires aux vins.

- FRÉDÉRIC DURAND-BAZIN

On les disait en perte de vitesse, mais il semblerait au contraire que les foires aux vins continuent à attirer chaque année un peu plus de monde. La preuve : selon le magazine spécialisé Rayon Boissons, le chiffre d’affairesde­lagrandedi­stribution­réaliséàl’occasionde­cerendezvo­us a atteint 480 millions d’euros en 2016, contre 360 millions en 2009. Leclerc, qui peut se targuer d’en être l’inventeur (la première foire aux vins a eu lieu en 1973, au supermarch­é de Saint-Pol-de-Léon, dans le Finistère) est le champion toutes catégories avec 93 millions d’euros en 2016, suivi par Intermarch­é (74 millions d’euros), Carrefour (62 millions d’euros), Système U (47 millions d’euros), Auchan et Carrefour Market (42 millions d’euros chacun). Vente-privée est le premier acteur sur internet avec 1 million d’euros. Et cela ressemble à la poule aux oeufs d’or. Les grandes surfaces réalisent, selon les enseignes, entre 15 et 20 % de leur chiffre d’affaires vin sur cette courte période. « N’oubliez pas que 85 % des ventes à emporter se font en hyper et super, rappelle Bernard Magrez, le célèbre propriétai­re de grands crus classés bordelais. Si vous voulez vendre des vins, il faut donc être présent en grande surface. Mais ce n’est que pendant les foires aux vins qu’il est possible de vendre des flacons à plus de 20 €. » Bernard Magrez a d’ailleurs depuis longtemps senti l’intérêt de participer aux opérations de promotion organisées­parlesdiff­érentesens­eignes.«C’estlàquese­trouvent les amateurs, qui deviennent ensuite des influenceu­rs lorsqu’ils servent vos bouteilles à table avec des amis. » Pendant que beaucoup de propriétai­res bordelais se pincent le nez lorsqu’on évoque les foires aux vins, Bernard Magrez y fait ses affaires. « Je n’ai pas besoin de consentir le moindre sacrifice sur mes prix, dans la mesure où mes vins sont très demandés. Certaines enseignes en prennent parfois jusqu’à 40 000 ou 50 000 bouteilles pour leurs foires. Je compte sans doute parmi les domaines qui sont les plus présents. »

La grande distributi­on se frotte également les mains. « Nos clients dépensent en moyenne 150 € pendant les foires aux vins », explique Charles Pierrard, chef de marché vins chez Intermarch­é. A l’occasion de ces événements, les clients sont prêts à ouvrir largement leur portefeuil­le. Alors que le prix moyen d’une bouteille de vin vendue en hyper ou en supermarch­é est de 2,70 € en temps normal (source : FranceAgri­Mer, bilan 2016 des ventes et achats de vins tranquille­s), il passe à plus de 7 € chez Casino, voire près de 10 € chez Franprix. Autant dire que les enseignes se mettent en quatre pour choyer leur clientèle. Elles proposent par exemple des opérations de promo- tion, tel Intermarch­é, qui offre 10 % de réduction à partir de 30 € d’achat aux porteurs de la carte maison. Franprix accorde aussi des ristournes alléchante­s (offres au carton, remises immédiates). Et, pour leur clientèle la plus fidèle, les grandes surfaces organisent des soirées de dégustatio­n en avant-première, où l’on peut rencontrer des vignerons et bénéficier de conseils. Plus de 300 sont programmée­s chez Intermarch­é. Idem chez Système U, où « chaque magasin a la possibilit­é d’accorder des avantages particulie­rs à cette occasion », précise Gérard Brégeon, chef de file vins chez Système U. Carrefour Market prévoit pour sa part 700 soirées en avant-première.

Pour attirer les acheteurs et leur offrir un gage de qualité, les enseignes n’hésitent pas non plus à recourir aux services de personnali­tés du vin, chargées de sélectionn­er des cuvées. Tel est le cas de Carrefour, qui s’associe depuis trois ans à Paolo Basso, meilleur sommelier du monde 2013. Leclerc a choisi, lui, Andreas Larsson, meilleur sommelier du monde 2007. Leader Price, qui avait enrôlé le très médiatique Jean-Pierre Coffe pendant des années, l’a remplacé après sa disparitio­n par Gaëtan Bouvier, meilleur sommelier de France 2016. Enfin, Monoprix travaille depuis longtemps en partenaria­t avec les experts en vins Bettane & Desseauve pour décerner les « Monoprix Gourmet ».

Les grandes surfaces prennent d’autant plus au sérieux ce rendez-vous, qu’elles sont challengée­s par de nouveaux acteurs sur internet. Et ils sont légion cette année à organiser leurs propres foires aux vins. Tel Cdiscount, qui organise sa 13e édition, ou Vente-privée qui, fort de sa première expérience en 2016, s’est d’ores et déjà fixé des objectifs ambitieux. « Avec nos 4,5 millions de visiteurs uniques venant chaque jour sur notre site, nous sommes capables d’offrir une vitrine fantastiqu­e aux producteur­s », rappelle Paloma Ezcurra, responsabl­e sourcing internatio­nal et trade-marketing food & wine. Le site, qui écoule pendant toute l’année 5 millions de cols, en avait vendu 100 000 lors des foires aux vins 2016. Il vise cette année 2 millions de chiffre d’affaires pour cette opération, soit le double de l’an dernier. Bien sûr, pour la plupart de ces sites, les foires aux vins sont avant tout l’occasion de faire parler d’eux. Mais ces acteurs servent également d’aiguillon pour les distribute­urs traditionn­els. Face au boum du commerce électroniq­ue, la grande distributi­on est obligée de se mettre au diapason et de développer sa propre offre sur le web. C’est, par exemple le cas d’Intermarch­é, de Carrefour, de Casino ou d’Auchan, qui permettent à leurs clients de précommand­er en ligne leurs vins avant le début des foires aux vins, puis d’aller les chercher dans leur drive le plus proche.

Même si le modèle des foires aux vins sera amené à évoluer aux cours des prochaines années, nul doute qu’elles continuero­nt à attirer une foule d’amateurs toujours plus grande. ■

Newspapers in French

Newspapers from France