Le Figaro Magazine

La page d’histoire de Jean Sévillia

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Le 24 juin 1793, l’Assemblée adoptait une nouvelle Constituti­on, ratifiée par plébiscite le 9 août suivant. Cette Constituti­on était suspendue dès le 10 octobre, la Convention décrétant que « le gouverneme­nt provisoire de la France sera révolution­naire jusqu’à la paix ». C’était le triomphe du régime d’exception, le pays se trouvant aux mains du Comité de salut public où siégeaient Robespierr­e et Saint-Just. Se fiant à cet enchaîneme­nt des faits, toute une tradition historiogr­aphique rapporte que, le 5 septembre 1793, « la Terreur a été mise à l’ordre du jour ». Or, souligne Jean-Clément Martin, la Terreur, ce jour-là, n’a nullement été l’objet d’un débat ou d’une délibérati­on à l’Assemblée, constat dont il se targue pour soutenir que la Terreur n’a été « mise à aucun ordre du jour, que ce soit celui de la Convention, de la nation ou de la Révolution ».

Cette remarque se situe au début d’un petit volume piquant et plein d’érudition, mais dont la lecture provoque une irritation croissante car son signataire, ancien directeur de l’Institut d’histoire de la Révolution française et universita­ire émérite, se surpasse dans un art qu’il pratique, ouvrage après ouvrage, depuis une vingtaine d’années. Convaincu des bienfaits de la Révolution française, Jean-Clément Martin n’a de cesse de présenter les violences d’Etat, les exactions et l’arbitraire de cette époque – dont il ne nie pas la réalité – comme des accidents dus aux concurrenc­es des factions ou à la vacance du pouvoir, et non comme le fruit d’une idéologie ou d’un mécanisme déroulant ses effets. Sous prétexte de dissiper les légendes sur la Terreur, l’auteur noie continûmen­t le poisson. Il établit ainsi des comparaiso­ns hors sujet avec d’autres périodes – par exemple les guerres de Religion, alors que la loi des suspects du 17 septembre 1793 n’a pas son équivalent dans cette guerre civile – ou il nie l’évidence, spécialeme­nt en assurant que la Vendée n’a pas été victime de la Terreur. Dans un maître livre (La Politique de la Terreur,

Fayard, 2000), l’historien Patrice Gueniffey avait naguère dit l’essentiel : « L’histoire de la Terreur commence avec celle de la Révolution et finit avec elle. »

Cette ombre au tableau est peut-être gênante pour la gloire nationale, elle n’en est pas moins là.

La Terreur. Vérités et légendes, de Jean-Clément Martin, Perrin, 238 p., 13 €.

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