Les insolences d’Eric Zemmour
Cela n’a pas traîné. Après l’été américain, l’été indien. Après la polémique de Charlottesville, où l’on a vu deux Amérique se déchirer autour de la statue du général Lee, Paris et les représentations de Colbert. Les Français imitent les Américains en tout, et les groupuscules militants ont tout de suite saisi le bon usage de l’énorme écho médiatique venu d’outre-Atlantique. Sous la houlette du Cran, diverses personnalités médiatisées, du journaliste Roselmack à l’ancien footballeur Thuram, sans oublier l’ancien ministre socialiste Victorin Lurel, réclament à leur tour qu’on débaptise les lycées qui portent le nom de l’ancien ministre de Louis XIV. Son crime ? Avoir rédigé le fameux code noir qui a, selon nos pétitionnaires, « légalisé l’esclavage ». L’humanité n’a pourtant pas attendu Colbert pour pratiquer l’esclavage. Tous les peuples, toutes les civilisations, l’ont pratiqué. Tous les peuples, les Blancs comme les Noirs, les gens du Nord comme ceux du Sud, en ont été victimes à leur tour. Colbert a simplement réglementé l’esclavage qui se pratiquait dans les colonies françaises. A l’époque, ce code noir était considéré comme une contrainte par les exploitants d’esclaves puisqu’il encadrait et limitait leurs excès. Mais ce discours est inaudible dans notre ère d’indignation professionnelle et de schématisme dû à l’ignorance. Nos pétitionnaires ont l’habileté d’opposer la devise de la République, « Liberté, égalité, fraternité », à l’esclavage. D’ériger le « vivre-ensemble » et les valeurs républicaines contre le rédacteur du code noir. On voit là que ce qu’on appelle aujourd’hui République n’est plus la République. Les fondateurs de la IIIe République exaltaient, eux, les figures telles que Colbert, Richelieu, Sully, Mazarin, qui avaient fondé l’Etat. Ils donnaient en exemple la capacité de travail de ce grand ministre de Louis XIV, qui avait développé l’économie du pays. La création de la Compagnie des Indes occidentales n’était pas pour eux « une compagnie négrière de sinistre mémoire », mais la tentative légitime - même si elle échoua - de rattraper la puissance commerciale de ses homologues hollandaise et surtout anglaise. Bref, les républicains de jadis étaient patriotes et aimaient la France quand ceux d’aujourd’hui ne voient dans la France que des « valeurs » pour mieux servir leurs combats revanchards contre elle.
Ils ne vont pas s’arrêter en si bon chemin. L’Empereur est le suivant sur la liste. Nos pétitionnaires exigeront bientôt qu’on fasse tomber sa statue de la place Vendôme, pour avoir rétabli l’esclavage en Guadeloupe en 1802. C’est une entreprise de longue haleine qui traduit la volonté d’effacer l’histoire de France, et d’en faire disparaître les « mâles blancs hétérosexuels », comme on disait sur les campus américains des années 60 ; puis de la remplacer par une histoire politiquement correcte, qui privilégie les minorités raciales et sexuelles. Ils se comportent ainsi à la manière des talibans et des hommes de Daech qui détruisent partout les statues des dieux qui ont précédé l’islam. C’est la politique de la « table rase », du grand remplacement historique.
Les républicains de jadis étaient patriotes, eux, et ils aimaient la France