En vue : Michel Aoun
Paris déroule le tapis rouge au président libanais qui, dans le bourbier du Moyen-Orient, se verrait bien jouer le rôle d’arbitre.
Cmaronitee lundi, Emmanuel Macron recevra en visite officielle un président de la République au parcours tortueux et à la réputation contrastée, pour tenter de régler le problème des réfugiés syriens au Liban, de stabiliser une vie politique chaotique à Beyrouth et de renforcer les liens avec la France. Cet homme, c’est le général Michel Aoun, chrétien
de 81 ans, élu en octobre 2016 13e président de la République libanaise. Adulé par les uns qui voient en lui un « général de Gaulle », patient, têtu, persévérant, au menton volontaire et au verbe haut, il est détesté par les autres qui lui reprochent son manque de réalisme, son extrémisme militaire et l’accusent d’être un opportuniste dénonçant le népotisme, tout en ayant fait nommer ministre l’un de ses gendres. Qu’importe, Aoun est bien là, l’opiniâtreté chevillée au corps, de retour dans le palais présidentiel de Baabda, d’où les troupes syriennes d’occupation l’avaient chassé il y a de cela vingt-six ans. Pour y revenir, Aoun, qui n’appartient pas aux grands clans féodaux, n’a reculé devant rien, et provoqué chaque fois la surprise, par des changements d’alliance inimaginables (notamment avec les chiites du Hezbollah, qu’il avait combattus) et une victoire inattendue aux élections législatives à son retour d’exil de Paris en 2005. Des succès qu’accompagne, au dire de ses proches, une formidable baraka. Né le 18 février 1935 dans la banlieue populaire de Haret Hreik, au sud de Beyrouth, Aoun embrasse la carrière militaire comme bon nombre de jeunes gens issus de milieux modestes, intègre l’académie militaire en 1955, et complète sa formation d’artilleur en France puis aux Etats-Unis. En 1983, alors que la guerre civile fait rage depuis huit ans, on le retrouve au sud-est de la capitale libanaise où il se distingue dans de violents combats contre la milice du chef druze Walid Joumblatt. Commandant en chef de l’armée en 1984, il devient à 49 ans le plus jeune officier à ce poste et, quatre ans plus tard, il est nommé chef d’un gouvernement de transition ! C’est à partir de ce moment que le « général » entreprend, avec le soutien de la France et de l’Irak, une guerre contre l’occupation du Liban par les troupes syriennes, lançant dans le même temps un combat fratricide contre les Forces libanaises du chrétien Samir Geagea. Assiégé par les Syriens dans son palais de Baabda, il part finalement en 1990 pour un exil de quinze ans à Paris, dont il reviendra après le départ du Liban du régime de Damas. A la surprise générale, il remporte 21 sièges sur 128 aux législatives de 2005 et surprend tout autant en signant, en 2006, un document d’entente avec le Hezbollah (proche de la Syrie). Plus tard, Aoun s’attire habilement les faveurs du chef chrétien des Forces libanaises et de l’ex-Premier ministre sunnite Saad Hariri, eux aussi hostiles au Hezbollah et au régime syrien, qui lui ouvrent le chemin vers la présidence. C’est sans doute pour toutes ces raisons que le vieux général, expert en compromis, est pour la France un partenaire de premier plan.