FAMILLES, JE VOUS HAIS, JE VOUS AIME
La famille a de tout temps, d’Eschyle à Florian Zeller, nourri le théâtre, la tragédie comme la comédie. C’est un thème idéal. Toutes les passions humaines y sont rassemblées. La saison qui s’ouvre nous en donne un nouveau témoignage. Dès à présent à l’affiche, deux comédies de boulevard ouvrent le bal. La première est noire, c’est Comme à la maison (1). La seconde est rose, c’est Confidences (2). Toutes deux ont pour sujet central la vérité et pour personnage central la mère, pivot de la famille. Deux belles actrices en la circonstance : ici Marie-Christine Barrault, mère tendre et pacifique, épanouie et rassembleuse. Là Annie Gregorio, mère vache et râleuse, revêche et diviseuse. L’une et l’autre abusives. Dans Comme à la maison, une oeuvre nerveuse de deux jeunes auteurs, Bénédicte Fossey et Eric Romand que Pierre Cassignard met rondement en scène, la mère de famille, une marâtre truculente, insupportable et irrésistible, n’a pas de chance. Son mari est grabataire, sa soeur (la piquante Françoise Pinkwasser) est paralytique, sa fille et sa bru ont de gros problèmes, son fils aîné (le remarquable Pierre-Olivier Mornas) est un loser atrabilaire et son fils cadet un jeune homosexuel sans scrupules. Une galerie peu commune d’hystériques que la pauvre réunit un soir de réveillon. Par sa franchise elle va provoquer une épreuve de vérité cataclysmique. Pierre après pierre l’édifice familial va s’écrouler. L’argument est assez banal. Mais on a rarement vu autant de franchise, de violence, de cruauté et finalement de sincérité dans le processus de démolition. Ce défoulement au premier degré a quelque chose de volcanique. Y compris l’écriture et le vocabulaire. On est dans l’hostilité, dans l’irréparable, et en même temps dans l’énormité comique. C’est tout le contraire avec Confidences, une comédie américaine très bien adaptée par Eric-Emmanuel Schmitt. Ici on est dans la bienveillance, fût-elle artificielle. Tout pour sauver la famille. Une famille unie et paisible. Le milieu est bourgeois. Le fils avoue un jour à son père qu’il trompe sa femme. Le père confie ce secret à son épouse, qui prend en charge le problème. Elle parvient à convaincre son fils de mettre fin à cette liaison qui détruirait l’équilibre familial, en invoquant l’exemple de son propre couple. Elle avait elle-même secrètement vécu cette situation. Cet aveu, c’est-à-dire la vérité, permet à la morale de triompher. A assez bon compte ! L’histoire est édifiante, un peu trop… Elle est très habilement mise en scène par Jean-Luc Moreau et joliment incarnée par le délicieux Alain Doutey, entouré par le charmant couple Arthur Fenwick-Claudia Dimier.
Et si ce qui distinguait les deux pièces était tout simplement un problème d’ordre social et culturel ?
(1)Théâtre de Paris (01.42.80.01.81) ; (2) Théâtre Rive Gauche (01.43.35.32.31).
Une galerie peu commune d’hystériques