L’HÔTEL EN FOLIE
Mercredi 22 mai 1968, Paris. Dans les rues, les étudiants jouent à la révolution, arrachent les pavés, mais ne trouventaucuneplagedessous.C’estbientôtl’anarchie, même le Meurice est autogéré. Dans le palace au décor quasi-versaillais, la milliardaire Florence Gould, qui réside à l’hôtel depuis douze ans, prépare son déjeuner : uneénième«meuriciade»durantlaquelleelleremettra son chèque au lauréat du prix Roger-Nimier : un jeune homme bafouillant qui vient de sortir son premier roman, La Place de l’Etoile. L’auteur semble fasciné par l’Occupation. Ça tombe bien : parmi les membres du jury présents en ce jour agité, Paul Morand, Marcel Jouhandeau et Antoine Blondin, qui l’ont bien connue. Chardonne n’a pu venir. A la même table, J. Paul Getty, Dalí et Gala, qui habitent également le chic établissement. Mais tout est compliqué à cause des « événements ». Le repas n’est pas celui qu’aurait voulu Miss Gould, et l’ocelot domestique de Dalí dévore l’un de ses pékinois : il y en a un qui aura bien mangé. Dans l’hôtel, l’autogestion montre rapidement ses limites… A cette table, un notaire provincial mourant a été invité pour grossir le nombre des convives afin que la « meuriciade » ne fasse pas trop pauvre. Il a été impressionné par le livre de M. Modiano et a rencontré il y a longtemps les Bruder, dont la fille avait disparu. Dehors,levieuxmondes’agite ;dedans,l’anciensurvit. Quelle chienlit…
Le Déjeuner des barricades, de Pauline Dreyfus, Grasset,
231 p., 19 €.