L’affiche/Les passe-temps d’Eric Neuhoff
Comme le temps passe : Loser, petite démo composée par un inconnu mélangeant blues rural et hip-hop, propulsée au rang de hit mondial, remonte déjà à 23 ans. Peu après, avec son premier album, Mellow Gold, Beck avait contribué à révolutionner la syntaxe pop : dans un joyeux brouet, le Californien mélangeait tous les genres, du hip-hop au rock en passant par la country ou la musique de film. En solo (Odelay, Sea Change),
ou accompagné (Charlotte Gainsbourg), il a su souvent se renouveler. Moins inspiré ces dernières années, il signe son retour avec Colors.
On le sent chercher le tube à tout prix et tenter de reproduire ces chansons parfaites de naguère, mixant toujours les styles, tentant de réunir ici dance et Beach Boys, Beatles et électro. Hélas, si les compositions parviennent parfois à décoller, la production putassière (Auto-Tune, sonorités
L’ÂGE DE PIERRE
synthétiques calibrées pour les radios, etc.) le fait sonner comme le contraire du petit génie qu’il était. Beck, lisse ? Non merci. Nous avons déjà Phoenix… NICOLAS UNGEMUTH Colors, de Beck (Caroline/ Universal).
EXPO
Al’occasion du cinquantième anniversaire de la mort d’Ossip Zadkine, l’exposition « Etre pierre » * propose un fascinant voyage dans le temps. On découvre l’étroite relation artistique existant entre l’homme et le minéral depuis la nuit des temps : dès le pariétal, les formes naturelles de la roche sont utilisées pour apporter du relief aux peintures rupestres. Pierres de magie d’Océanie, vénus aux formes sexuées, statue-menhir du Rouergue, objets intercesseurs entre le visible et l’invisible… font face aux oeuvres de Zadkine (photo) mais aussi de Brancusi, Brassaï, Hartung ou Picasso. Les arts
« primitifs » ont rendez-vous avec la modernité et l’alchimie est surprenante. Dans l’atelier, les Jeux de nymphes
de Rodin soulignent la sensualité des corps avec un procédé de non finito qui accentue le contraste entre la rugosité du marbre à l’état brut et le poli de la chair. Sous ses doigts, la matière inerte prend vie. Un miracle dont on ne se lassera jamais !
SYLVIE MARCOVITCH * Musée Zadkine, Paris VIe, jusqu’au 11 février 2018.
LIVRE
LE BEL ÂGE
Le visage sans rides, le corps sans courbatures, une sexualité épanouie : ainsi devraientevivre les seniors du XXI siècle. Cosmétique, alimentation, vitamines miraculeuses : les nouveaux camelots ont des potions plein leurs valises, pour rester jeune. Or, la vieillesse n’est pas une fin, s’indigne Christine Jordis dans un livre épatant * : elle est le début d’une nouvelle aventure… plus intérieure. Les livres et la méditation sont les billets en première classe de voyages riches. MARIE ROGATIEN
* Automnes. Plus je vieillis plus je me sens prête à vivre, Albin Michel, 288 p., 19,50 €.
CINÉ-THÉÂTRE
PROJECTIONS DANS LE PASSÉ
Rendez-vous chaque lundi soir à partir du 16 octobre (une fois par mois) au Théâtre de PocheMontparnasse (Paris VIe) qui se transforme en ciné-club. L’idée ? « Proposer des films interprétés par les plus grands noms du théâtre », détaille Philippe Tesson, maître des lieux et initiateur du projet. Le premier choix séduit : Un revenant, de Christian-Jaque, chef-d’oeuvre méconnu de 1946 (avec Louis Jouvet, Gaby Morlay, François Périer…) qui narre le retour d’un homme à Lyon où il n’a pas gardé que des amis. « Le portrait au vitriol d’une société abominable », résume Olivier Barrot, qui animera les soirées. Aucun détail ne sera oublié dans le cadre vintage, familial et charmant de cette institution parisienne… pas même les réclames d’époque qui précéderont chaque projection. Immanquable !
PIERRE DE BOISHUE
LIVRE
LES PARENTS TERRIBLES
L’exploit n’est pas mince. Dans Fille de révolutionnaires *, Laurence Debray (fille de Régis) réussit trois livres en un. La double biographie de ses parents, via une enquête journalistique et historique rigoureuse ; une réflexion profonde sur le rapport père-fille (d’un point de vue affectif mais aussi spirituel, politique, littéraire) ; le journal d’une vie où se télescopent doutes et certitudes, initiatives et réticences, conservatisme et goût du progrès.
Avec une sincérité qui affleure à chaque page, la biographe de Juan Carlos écorne la statue paternelle pour mieux la redorer, se garde de toute psychologie de comptoir façon magazine féminin, voyage agilement dans l’espace et le temps pour se livrer un peu – mais au nom d’une génération désenchantée par ses parents. Cette brillante confession d’une enfant du XXe siècle finissant ne manque ni d’humour, ni de sel, ni de style. « Hasta la victoria ! », comme dirait papa. J.-CH. BUISSON * Stock, 324 p., 20 €.