QUI VA PIANO VA UNSANO
C’est un fléau contemporain : la musique est partout. Dans les cafés, les restaurants, les halls d’hôtel, les ascenseurs, les taxis, les « lounges » d’aéroports… C’est, sur terre, l’enfer selon Bernard Blier dans Buffet froid. Et comme si ce n’était pas assez, voici qu’on nous colle des pianos droits désaccordés dans les gares, sur lesquels des quidams exhibitionnistes s’acharnent à massacrer méthodiquement des chansons souvent déjà atroces à la base. Généralement, ce sont des anonymes qui veulent frimer cinq minutes, mais l’anonymat ne paye pas. Alors, la SNCF a décidé de publier sur YouTube des vidéos de quelques célébrités (enfin, c’est une façon de voir) à l’oeuvre, sous le générique Cover Station (cover pour « reprise », et station pour « gare », on ne parle plus français dans ces instances). Mais l’effet voulu n’est pas toujours garanti : ainsi, récemment, le chanteur Grégoire est-il devenu la risée d’internet après avoir éviscéré à coups de bistouri la ritournelle d’Oasis Don’t Look Back in Anger. Pour ceux qui ne connaissent pas Grégoire, on peut dire que, sur l’échelle de la pénibilité, il est à peu près au même niveau que Vianney et Christophe Maé. Il aime couiner sa tristesse en prenant des airs affligés : c’est un champion hors catégorie du dolorisme. A la gare de Lyon, chantant avec un accent tordant le classique des frères Gallagher, le pauvre Grégoire semblait pris d’une colique frénétique et dilatait ses naseaux sous l’emprise d’une rare émotion. Vu la réaction de milliers d’internautes, il est peu probable qu’on l’y reprenne. Mais méfions-nous, ce n’est certainement pas fini : on annonce pour bientôt, une attraction en gare Montparnasse, « Anne Hidalgo chante la Callas »…