Le théâtre de Philippe Tesson
Quittons Molière, et retournons au boulevard, où abondent les comédies sur le couple, marchandise très suivie.
La plus originale est La Leçon de danse (1) d’un auteur américain très joué là-bas, inconnu ici. Originale en ce que les personnages ne sont pas conventionnels. Lui est très brillant, il est même professeur d’université, mais il est autiste, et par exemple il déteste qu’on le touche. Elle est danseuse, mais à la suite d’un accident, elle a une espèce de jambe de bois, plus exactement une attelle d’autant plus disgracieuse qu’elle porte toujours un short. Il y a de quoi compliquer une relation amoureuse. C’est le cas. C’est d’autant plus dommage qu’il y a de la finesse et de la tendresse dans cette histoire. Celle-ci raconte l’échange de deux solitudes qui ont peur l’une de l’autre. En fait, ils ne sont pas faits pour l’amour, mais ils s’aiment. Les deux comédiens sont très touchants. Lui, c’est Eric Métayer, sa jeunesse éternelle, sa vivacité, son innocence. Elle, c’est Andréa Bescond, qui nous avait tant ému dans les fameuses
Chatouilles. C’est doux, un peu gai, très mélancolique. Il manque une grâce, il y a un charme. La grâce, ce n’est pas l’affaire de La Nouvelle (2). La Nouvelle, c’est l’affaire de Richard Berry, pour qui visiblement Eric Assous a écrit la pièce : il la joue et la met en scène. Il ne s’agit pas d’un one-man-show, mais c’est tout comme, malgré la présence de Mathilde Seigner, qui est très bien, encore que plus discrète que d’habitude, et de trois gentils comédiens. C’est l’histoire d’un veuf qui présente sa nouvelle épouse à ses deux fils d’un ancien mariage, et c’est la catastrophe. Ils vont mal juger leur papa et détester leur belle-mère. L’idée est bonne, mais la pièce ne commence qu’au troisième acte où Berry donne enfin la mesure de son grand talent. Le décor est superbe.
La Perruche (3) est la plus conventionnelle de ces trois comédies conjugales, mais aussi la plus cruelle et la plus efficace. Elle vient d’un auteur inconnu (de nous) mais qui sait faire : Audrey Schebat. C’est un jeu de la vérité. Un contretemps annule le dîner prévu entre deux couples d’amis. Ce sera pour le couple invitant l’occasion d’une scène de ménage torride qui ira de la comédie au drame et révélera à chacun ce qu’est l’autre. Lui : sous ses apparences de charme viril un abominable macho. Elle : sous son masque d’innocence et de douceur une nature de feu. L’écriture est vive, le propos généreux, le personnage de la femme très bien dessiné et on retrouve avec bonheur sur la scène Barbara Schulz dans une forme éblouissante, grâce et autorité confondues. Arié Elmaleh est parfait. Une réussite.
(1) Théâtre de l’OEuvre (01.44.53.88.88) ; (2) Théâtre de Paris (01.48.74.25.37) (3) Théâtre de Paris, salle Réjane (01.42.80.01.81).
Vague de comédies conjugales