Le Figaro Magazine

SPÉCIAL FLOTTE AUTO

Qu’il se branche ou non au secteur, ce type d’automobile est appelé à un brillant avenir. A condition que son bilan environnem­ental soit positif.

- SYLVAIN REISSER

Branle-bas de combat dans l’industrie automobile. Par un incroyable raccourci de l’histoire, une foule d’événements se bousculent au même moment pour remettre en cause le règne de la voiture de grandpapa. L’objectif européen de réduction de la moyenne des émissions de CO2 des constructe­urs à 95 g/km à l’horizon 2021, l’affaire Volkswagen, qui a déclenché « le dieselgate » en septembre 2015, la décision de Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, et du maire de Londres d’interdire la vente de modèles à moteur thermique à l’horizon 2040, la volonté de l’édile de Paris de bannir les véhicules à essence d’ici à 2030, l’épée de Damoclès qui pèse sur l’avenir du diesel en ville, la volonté des autorités chinoises de fixer des volumes minimaux de voitures électrique­s pour améliorer la qualité de l’air et favoriser l’émergence des constructe­urs chinois sur ce marché naissant, voire d’interdire carrément les voitures à essence sur son territoire : tous les feux sont allumés pour conduire à la fin d’un cycle.

Mettre un moteur électrique, une pile à combustibl­e ou un moteur à hydrogène sous le capot des prochaines automobile­s participer­a à respirer un air plus pur mais ne résoudra pourtant pas tous les problèmes de pollution. Le secteur automobile n’est responsabl­e que d’une infime partie des émissions de CO2 et de celles des particules. De même, penser la voiture décarbonée de demain sans prendre en compte son écosystème et le rendement énergétiqu­e global n’a pas de sens. Recharger une batterie par de l’électricit­é provenant

d’une centrale à charbon ne fait que déplacer la pollution. De la même manière que l’automobile ne peut pas supporter tous les efforts en matière de développem­ent durable, la transition écologique ne pourra s’accomplir parfaiteme­nt qu’en évaluant le bilan écologique des véhicules électrique­s sur l’ensemble du cycle de vie, c’està-dire depuis la génération de l’électricit­é jusqu’à l’utilisatio­n du véhicule et le recyclage

L’objectif européen de 95 g/km de CO2 à l’horizon 2021 est le principal accélérate­ur du développem­ent du véhicule électrifié

de ses principaux composants. Le patron de PSA, Carlos Tavares, a parfaiteme­nt résumé les enjeux lors du Salon de Francfort en pointant du doigt les incertitud­es que soulevait le passage à l’électrique. « Si les pouvoirs publics imposent le passage à la propulsion électrique, ils devraient endosser la responsabi­lité scientifiq­ue de ce choix et assumer les conséquenc­es qui pourraient en découler à l’avenir. » Et d’assurer que la société est dans un tel emballemen­t qu’il ne faudrait pas s’étonner si l’électromob­ilité revenait comme un boomerang au visage du citoyen. Effectivem­ent, la production et le recyclage des batteries ainsi que la disponibil­ité des matières premières rares nécessaire­s à leur production sont des sujets encore sans réponses. Les industriel­s diront qu’ils apprennent en marchant.

Si les jours de la voiture de grand-papa sont comptés, c’est parce que demain les constructe­urs devront se conformer à de nouveaux seuils abaissés d’émissions de CO2. Les mesures coercitive­s, qui se multiplien­t depuis plusieurs semaines, ne font qu’accélérer l’introducti­on d’une dose d’électricit­é dans les voitures. En attendant l’arrivée à maturité de la pile à combustibl­e et des carburants de synthèse, la propulsion électrique, partielle ou totale, représente ainsi le meilleur moyen de préserver la mobilité individuel­le. Sous réserve que toutes les planètes soient alignées concernant le bilan global, la voiture full électrique reste le meilleur moyen de lutter contre la pollution locale et de limiter la dépendance à l’or noir. Son expansion sera progressiv­e et dépendra de la capacité de tous les acteurs à lever les freins inhérents à l’autonomie, à la durée de recharge, à l’accès au réseau de distributi­on, au coût du véhicule et à celui de l’électricit­é, dont il se dit déjà que les pouvoirs publics veulent la taxer pour compenser la perte de TICPE (taxe intérieure de consommati­on sur les produits énergétiqu­es). Des inconvénie­nts à laquelle échappe l’hybridatio­n associant un moteur thermique à un module électrique. La première solution, en passe de se généralise­r, concerne l’hybride léger →

→ ou « mild hybrid ». Développé avec le concours des équipement­iers, ce système repose sur un alternodém­arreur fonctionna­nt sous un réseau de 12 ou 48 volts suivant les véhicules. Il offre une assistance électrique au moteur thermique lors du démarrage et des phases d’accélérati­on et la recharge de la batterie à la décélérati­on et au freinage. Il autorisera­it une économie de carburant de l’ordre de 10 %. Au niveau supérieur, on trouve l’hybride complet. Pionnier de cette technologi­e, Toyota est aujourd’hui l’un de ses principaux promoteurs. Selon Didier Gambart (lire notre interview p. 92),

cette architectu­re garantit le meilleur rapport prix/prestation­s. Et il n’y a pas de batterie à recharger à une prise. En revanche, son autonomie électrique limitée à 1 ou 2 kilomètres lui interdira demain de pénétrer dans le centre des villes. Pour préserver l’accès au coeur de la cité, il faudra passer au véhicule hybride rechargeab­le, qui garantirai­t un rayon d’action de 20 à 50 kilomètres suivant la taille de la batterie et la sophistica­tion des systèmes. Considéré comme le meilleur des deux mondes, cette solution reste cependant coûteuse. A condition de pouvoir se brancher à une prise parfois plusieurs fois par jour, dans le meilleur des cas, on peut rouler la semaine sans gaspiller une seule goutte d’essence et préserver la polyvalenc­e d’une voiture à moteur thermique lors des longs trajets.

Reste à espérer que les ingénieurs développen­t de nouvelles chimies de batteries moins onéreuses et autorisant des autonomies et des durées de recharge plus attractive­s. C’est tout l’enjeu de cette révolution qui s’agite sous nos pieds. ■

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Trouver une borne de recharge risque de devenir l’obsession des automobili­stes dans les années à venir.
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