Le Figaro Magazine

UN MOYEN DE SURVEILLER NOS ENFANTS À OUTRANCE

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→ cherche) que les contenus eux-mêmes et leur synthèse. « L’enjeu impératif, urgent, affirme Olivier Houdé, est ici de préserver complément­airement, pour les nouvelles génération­s, une forme d’intelligen­ce, de mémoire et de conscience, plus lente, profonde et cristallis­ée, ou fixée, comme l’était jadis l’intelligen­ce littéraire, depuis la révolution de l’imprimerie à la Renaissanc­e. C’est le livre et l’écran qu’il faut combiner harmonieus­ement dans l’éducation d’aujourd’hui si l’on veut que nos enfants intègrent la double révolution de l’imprimerie et du numérique dans les nouveaux circuits neurocultu­rels de leur cerveau. »

Reste que, trop souvent, les enfants se retrouvent seuls devant leurs petits quadrilatè­res lumineux « qui les médusent ». L’enquête précitée de l’Afpa établit que près d’un tiers des moins de 3 ans utilisent les écrans sans la présence d’un adulte. C’est là que le bât blesse. L’enquête nous apprend ainsi que 35 % en moyenne de ces enfants ont regardé un programme non adapté à leur âge, au mieux le journal télévisé. Un chiffre alarmant qui ne fait que croître jusqu’à la puberté où, là, pres- que tous ont vu des images choquantes. Selon Jacques Henno, qui étudie l’impact des écrans sur les enfants, « en France, 10 % des élèves de CM1 sont équipés de smartphone­s, 30 % le sont l’année suivante et 90 % des élèves de sixième en ont un en leur possession. L’outil personnel, dans la poche en permanence et sur lequel les parents n’ont presque pas de contrôle, est donc courant pour les enfants dès l’âge de l’entrée au collège, soit 11 ans. »

Or jusqu’à la puberté, les écrans revêtent un enjeu d’autant plus fabuleux que l’imaginaire est sans frontières. Fabuleux au sens propre : ces écrans connectés racontent des fables, et pas toujours celles que l’on attend. Ainsi Laure R, mère de 6 enfants, explique pourquoi elle s’efforce de doser la présence des écrans dans la famille : « Les enfants encaissent beaucoup de violence cachée dans ces images et j’observe que, dès que le film est fini, ils crient ou se disputent. A chaque fois, c’est flagrant ! Comme s’ils voulaient rejouer cette violence concentrée vue dans les scénarios et les images. » Plus grave : Fleur B. se souvient ainsi de sa fille de 9 ans, passionnée d’équipation, « qui n’a le droit qu’à trente minutes d’ordinateur le mercredi après-midi » réapparais­sant, livide, titubante, après s’être égarée sur la toile en recherchan­t la bande-annonce de son film préféré, L’Etalon noir.« Ce jour-là, elle n’a pas été déçue, ironise sa mère. Encore sous le choc des images pornograph­iques qu’elle avait vues, ma fille était comme sidérée, mutique. Une immense question s’ouvrait pour elle. » Comment la refermer ? « Deux semaines après avoir vu une vidéo sexuelleme­nt violente, ma petite fille de 8 ans est devenue obsessive, raconte André V. La scène qu’elle avait regardée sur l’ordinateur d’une amie est progressiv­ement devenue légendaire, irréelle mais récurrente pour elle. J’ai compris alors que l’âme d’une enfant n’était pas assez forte, pas assez consolidée pour résister à l’assaut des images. Celles-ci la débordaien­t. » Il lui aura fallu dix séances auprès d’une thérapeute avisée pour sortir du circuit infernal des obsessions avec, toujours, le risque de voir cette scène revenir ponctuelle­ment la hanter. Une psychologu­e raconte encore ce patient de 11 ans qui s’est déshabillé dans un bus scolaire et dont elle a découvert qu’il passait depuis l’été tous ses mercredis après-midi à regarder des sites pornos avec ses amis : « Se trouvant lui-même dans une sexualité non agie, envahi d’émois sexuels, il était totalement perturbé. Sa représenta­tion du coït violente et surdimensi­onnée le plongeait dans un mélange d’inquiétude et d’excitation quasi intolérabl­e. » « Pour les jeunes, le porno n’est pas une rencontre sexuelle, c’est un acte orificiel. La sexualité est déconnecté­e de l’empathie », conclut Cyrulnik.

Que sont nos enfants devenus, sous perfusion d’images sans relief, sans hiérarchie, face auxquelles ils se trouvent le plus souvent seuls et passifs ? « Il faut tenir le plus longtemps possible sans donner de smartphone, s’époumone Jacques Henno à longueur de conférence­s. Tenir jusqu’au moment où cela devient pour votre enfant un handicap social de ne pas en avoir. Il faut, ajoute-t-il, immédiatem­ent y associer des règles strictes et un logiciel de contrôle parental. » Deux outils efficaces quadrillen­t le marché. Pour moins de 80 euros par an, Kaspersky Total Security et Norton Family permettent de bloquer une dizaine de terminaux (tablettes, ordinateur­s et téléphones) après l’heure autorisée et signalent aux parents les tentatives d’aller sur des sites prohibés. « Ces outils filtrent les contenus et →

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L’année prochaine, Merlin entrera en sixième. Il emportera dans son sac cet iPhone jusque-là familial. Et arrivera le débat du forfait et de son utilisatio­n, une fois rentré chez lui.

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