“JE M’EN VAIS VOIR D’AUTRES CHAOS AILLEURS...”
→ pas français. La culture, aujourd’hui, c’est Hanouna ! Moi, je suis autodidacte. Tu crois que c’était facile, hein (il crie) ? Un mec comme moi qui n’est jamais allé à l’école ? ! Lire Racine [il déclame quelques vers de Bérénice], Montaigne ? Je les lisais sans les comprendre. Va trouver un mec qui lise Montaigne ou La Boétie aujourd’hui ! »
Mais comment explique-t-il un tel avilissement culturel ?
Il s’agace mais répond : « Parce qu’il y a 8 milliards de gens sur la planète ! Il y a des politiques qui cherchent des solutions mais ils n’en trouvent pas puisqu’ils ne parlent plus aux peuples. Le peuple n’existe plus. Il ne reste que des délégués syndicaux qui se font la parole du peuple ! Il n’y a plus que des Fouquier-Tinville qui se font la parole du peuple. Tu crois que ça va marcher ? Alors ? Alors, c’est pas la peine ! Donc moi, je disparais, et sans violence - j’en ai rien à foutre -, je les laisse à leur chaos. Je m’en vais voir d’autres chaos ailleurs, mais comme je ne comprends pas la langue, je mets plus de temps à les cerner… » L’heure tourne, dans une atmosphère surréelle. On tente une énième fois de revenir au livre, de poser une nouvelle question. Il explose, et se lève : « J’ai déjà dit tout ça, dans le livre. Le livre, c’est des interviews que je relis et que je corrige ! Je ne vais pas recommencer ! Merde quoi, je vais pas me répéter ! Comment faisait Kessel, hein ? Trouve autre chose, fais des efforts ! Tu vas pas faire comme les autres ! Ah, les journalistes… » On ferme alors notre calepin et on le laisse causer, dériver dans un splendide esprit d’escalier. Défileront Vassili Grossman, l’histoire de la Crimée, Hérode, la vie de Kalachnikov, sa passion pour la monographie
Jérusalem de Simon Sebag Montefiore, saint Augustin, bien sûr, Averroès, qu’il adore, Shakespeare, René Monory
(« Je l’aimais bien, c’était un bon vivant, comme j’aime bien Larcher »), Maïmonide, le médecin de Saladin, François Hollande, Bernard-Henri Lévy, André Glucksmann (ces trois derniers ne faisant pas partie de son panthéon personnel), Napoléon, Céline (qu’il n’aime pas et à qui il préfère Marcel Aymé) et « Koh-Lanta ». Toutes choses passionnantes mais pour lesquelles nous ne sommes pas venu le voir. On écourte l’entretien : manifestement, la légende est saoulée par nos questions stupides.
On sort, sonné, dans la rue grise ; il n’est pas encore midi. Quelques minutes plus tard, le photographe du Figaro Magazine Richard Melloul, que l’acteur connaît depuis trente ans et avec qui il a fait un livre et un documentaire présenté à Cannes, subira à son tour ses foudres et son impatience. Rencontrer Depardieu :
« C’est une joie… et une souffrance. »