“L’ÉLECTRIQUE À PARTIR DE 2020”
Pour le président de Toyota et Lexus France, ce sont les automobilistes qui fixeront la vitesse de déploiement du véhicule zéro émission.
Le Figaro – Les ventes de Toyota en France sont portées par l’hybride. Au premier semestre 2017, la gamme hybride a progressé de 47 %, représentant à présent près de 60 % de vos ventes. Comment analysez-vous cette croissance ?
Didier Gambart - Le succès de notre gamme hybride relève de quatre facteurs. Le premier est contextuel. Depuis le « dieselgate », les automobilistes n’ont plus la certitude que cette énergie va préserver sa valeur résiduelle. Ils se tournent vers les énergies alternatives. Dans ce cadre, on pense naturellement à Toyota, qui fait figure de pionnier en proposant des véhicules hybrides depuis vingt ans. Le deuxième facteur tient à notre dynamique produits en matière d’hybrides. Nous avons présenté récemment une Yaris profondément remaniée qui se vend à 60 % en version hybride. Le C-HR est aussi très prisé des clients. La demande est supérieure à nos prévisions. Nous avons la bonne technologie dans le bon segment. Le C-HR représente 10 % du segment et la version hybride réalise 90 % du mix. Troisièmement, grâce à l’expérience acquise, le groupe est en mesure de garantir l’accessibilité. Malgré la fin du bonus écologique, nous voyons de plus en plus de clients nous rejoindre. C’est le signe de la compétitivité de notre offre. Enfin, le quatrième facteur rejoint le premier. Alors que la désaffection pour le diesel fait baisser les valeurs résiduelles, nos hybrides, au contraire, enregistrent une très bonne tenue sur le marché de l’occasion. Le diesel représente aujourd’hui moins de 8 % de nos immatriculations de voitures neuves.
Comment se positionnent les ventes d’hybrides en France par rapport aux autres pays européens ?
La France est leader de ce marché en Europe. Nous sommes, avec l’Italie, le pays où le mix hybride est le plus élevé. En Europe, les ventes d’hybrides représentent 40 % de l’ensemble. L’objectif affiché est de tendre vers les 50 % en 2020. Compte tenu de notre dynamique, nous pensons que la France peut atteindre, à cet horizon, un taux de 70 à 75 %.
Les automobilistes ont-ils assimilé la technologie des énergies alternatives que sont l’hybride et l’hybride rechargeable, ou faut-il encore faire oeuvre de pédagogie ?
Nos clients viennent clairement acheter un véhicule hybride. Dans toutes les études, Toyota est reconnu comme le leader de l’hybride. C’est encourageant mais, en même temps, nous savons que nous devons poursuivre notre effort pédagogique. Les énergies alternatives ne représentent que 4 % du marché. Nous avons ainsi développé un site pour les vendeurs du réseau. Ce tutoriel permet de se familiariser avec ces nouvelles énergies. Nous pensons ouvrir ce site aux clients début 2018.
Reconnu comme le pionnier de l’hybride, le groupe Toyota tarde à développer une offre hybride rechargeable et à venir au full électrique. Comment l’expliquer ?
Inscrite dans la feuille de route du groupe depuis plus de vingt ans, notre vision de la mobilité est très claire et n’a pas changé. Elle a toujours prévu que la première alternative serait l’hybride et que son évolution naturelle nous conduirait à l’hybride rechargeable puis, qu’un jour, on se tournerait vers la pile à combustible et l’électrique. Mais la vraie question est de savoir à quel moment cela devient pertinent pour l’automobiliste d’opter pour la technologie hybride rechargeable. Il y a trois aspects pour évaluer cette pertinence. Premièrement, la praticité. Est-ce que les infrastructures et les temps de recharge sont efficaces ? Est-ce facile à opérer ? Le deuxième aspect est l’accessibilité. Toyota sait très bien produire cette technologie. Notre offre à 36 900 € est la plus accessible, mais force est de constater que l’hybride rechargeable n’est proposé que sur des véhicules premium parce que le coût de production n’est pas applicable à des modèles de grand volume. Cela ne nous empêche pas de nous préparer, avec la Prius hybride rechargeable, pour le jour où le modèle économique deviendra intéressant et permettra d’offrir des véhicules sans incentive gouvernementale. Aujourd’hui, nous voyons que cette technologie se développe dans les pays où elle est sponsorisée. Les gens se convertissent pour l’incitation fiscale mais le taux d’utilisation et de recharge est très faible. Or, nos hybrides passent déjà 50 % de leur temps en électrique. Nous pensons qu’il y a une place, mais le marché n’est pas encore mature. Je peux néanmoins vous assurer qu’à partir de 2020, notre gamme hybride rechargeable va s’étoffer, aussi bienchez Toyotaquechez Lexus. Ces véhicules participeront à abaisser notre moyenne de CO2 qui est déjà, à 100,2 g/km, plus basse que la moyenne de la France, et à répondre à l’objectif européen de 95 g de CO2/km à l’horizon 2021.
Qu’en est-il de l’électrique ? Chez Toyota, nous sommes pour la complémentarité des énergies et nous aimons bien
avoir plusieurs cordes à notre arc. De la même manière que l’hybride rechargeable est programmé, que nous avons déjà de l’hydrogène avec la Mirai, l’électrique fait partie de notre feuille de route à l’horizon 2020. L’idée est d’arriver avec une technologie performante et une nouvelle génération de batteries, un business model permettant de proposer une solution économiquement viable, en phase avec les attentes de la clientèle. Toyota a ainsi créé une start-up d’ingénieurs pour accélérer le développement des véhicules électriques au sein du groupe et, il y a quelquesjours, nousa vonsannoncé un partenariat industriel avec Mazda et Denso pour créer une plate-forme électrique.
Vous évoquez la Mirai. En avezvous vendu en France ?
La production mondiale est limitée à 3 000 unités par an. Nous avions un quota de 10 voitures que nous allons dépasser. C’est un véhicule réservé aux grands acteurs de l’énergie. Engie, Air Liquide et Plastic Omnium notamment nous ont fait confiance pour expérimenter la Mirai. Nous avons aussi livré trois exemplaires à la société de taxis
Nous allons lancer une gamme de modèles hybrides performants inspirés du concept C-HR Hy-Power exposé à Francfort
Hype. Et nous souhaitons développer ce partenariat. La Mirai répète une histoire commencée par la Prius et joue le rôle de vitrine technologique de l’hydrogène. Depuis l’annonce que les JO de 2024 se tiendraient à Paris, elle revêt une importance capitale puisque, en tant que partenaire des JO, nous allons pouvoir accompagner la société hydrogène développée par le groupe Toyota.
Le prochain salon de Tokyo devrait être l’occasion de révéler la future sportive Supra. Ce véhicule aura-t-il une déclinaison hybride ?
Nous présenterons un concept sportif hybride, mais cela ne veut pas dire qu’il s’agit de la Supra. C’est en tout cas une direction que nous prenons. Elle va dans le sens du concept C-HR Hy-Power exposé à Francfort et annonce l’arrivée d’une version hybride puissante dans nos véhicules coeur de gamme. Ce développement s’inscrit parfaitement dans la stratégie Gazoo Racing. L’objectif du groupe est de montrer que la technologie hybride peut être synonyme de performances et de plaisir de conduite. La nouvelle Lexus LS dotée du système Multi Stage le démontrera à la fin de l’année.
Pensez-vous que c’est le rôle d’un constructeur d’accompagner la diffusion du véhicule électrique en investissant dans les infrastructures de recharge ?
Si c’est le choix de certains, ce n’est pas notre objectif. Nous pensons que le rôle du constructeur est de développer la technologie à un coût acceptable et raisonnable pour le client. Le développement des infrastructures est de la responsabilité des gouvernements en place et des spécialistes de l’énergie. Toyota fait partie d’associations et de cercles de réflexion avec les principaux acteurs, mais le constructeur ne jouera pas un rôle leader sur l’installation de bornes de recharge.
Les premiers véhicules électriques arriveront-ils chez Toyota ou Lexus ?
Ce n’est pas décidé. Nous sommes prêts à commercialiser ces véhicules mais la question est de savoir si les clients sont prêts à les acheter. Nous commercialiserons ce type de véhicules lorsque les automobilistes nous le demanderont. ■