Dans la tête de... Jean-Charles de Castelbajac
Après cinquante ans de création, Jean-Charles de Castelbajac est plus que jamais dans l’actualité. Il vient de publier avec Michel Pastoureau, Le Grand Armorial équestre de la Toison d’or (Seuil/BnF) où figurent nombre de ses dessins, il est directeur artistique d’une collection pour Le Coq Sportif qui présente notamment un sweat original à trois capuches. Ses collaborations se multiplient avec Fujifilm pour trois nouveaux modèles Instax Mini 70 diffusés en série limitée, et avec OnePlus pour un mobile OnePlus 5 JCC+… Le succès d’un artiste prolifique, d’un visionnaire iconoclaste enfin rattrapé par son époque ?
Vous êtes actuellement sollicité de toutes parts. Comment expliquez-vous ce succès ?
J’ai toujours fait de la mode, plutôt du style d’ailleurs, beaucoup de design, j’expose mes toiles… Un peu comme l’architecte médiéval Villard de Honnecourt qui avait différentes activités, je suis un artiste pluriel… Ce qu’est devenue notre époque.
De quoi êtes-vous le plus fier professionnellement ?
Ma fierté, c’est mon intégrité. Je suis resté fidèle à mes idées, je n’ai jamais copié personne, j’ai toujours avancé en me questionnant et en gardant la volonté de faire bouger les lignes… Et puis, voir que des jeunes gens aiment mon travail, s’en inspirent et peuvent à certains moments considérer qu’il les guide, c’est magique !
On découvre votre intérêt pour les objets high-tech…
Dire oui à Fujifilm était évident. Depuis les années 1970, je suis un fan d’images instantanées. J’adorais ces fragments de temps que l’on peut travailler, gratter, repeindre. Pour le téléphone OnePlus, c’est avant tout un studio de poche avec ma gamme de couleurs, un écran où je peux projeter mes dessins…
Que vous inspirent les nouvelles technologies ?
A la naissance des réseaux sociaux, mon ami Malcolm McLaren disait : « Ce n’est pas notre monde, nous appartenons à une société presque secrète, parallèle, de résistants, de contestataires… » Ma filiation avec le design, avec l’industriel, fait que j’ai tout de suite été fasciné. J’aime bien l’idée d’être un virus poétique. Hier, on associait mode et art. Aujourd’hui, c’est style et technologie, style et écologie, style et partage. Avez-vous gardé cette fibre contestataire ?
J’ai récemment été arrêté par la BAC alors que je dessinais sur un mur de l’Assemblée nationale. C’est mon esprit romanesque, je suis un punk romantique.
Punk ? Ça ne nous rajeunit pas…
Quand on se met en danger, on ne vieillit pas.
Trouvez-vous l’époque frileuse, docile ?
Non, je la trouve passionnante. Les nouvelles technologies ont fait naître une société de l’image où chacun peut être habité par l’idée de devenir artiste. Il y a des abus, mais on voit aussi s’imposer une jeune génération douée et émouvante.
Quelques noms ?
JW Anderson ou Simon Porte Jacquemus pour la mode ; la couleur musicale de Kazy Lambist ou de Calypso Valois ; Haunted Horfee ou Henry Taylor pour la peinture. Il y a aussi le travail transversal de Camille Henrot, déconcertant mais passionnant.
Trouvez-vous les artistes français créatifs ?
Sur ce plan, je trouve la France en pleine forme. Il y a un vrai potentiel, une prise de conscience de l’importance du made in France. Je vois émerger des talents qui ne renient pas les traditions et revendiquent même une appartenance à une histoire, à des racines.
Si vous passiez une nuit au musée…
Je l’ai fait toute ma jeunesse, dormir enfermé à Versailles ou à Fontainebleau. Pour les musées, j’aime ceux qui évoquent une vie d’artiste. Au musée Bourdelle, voir l’atelier, l’escalier qui monte, crée un lien avec l’invisible où nous discernons certaines choses du quotidien d’Antoine et de Cléopâtre (Bourdelle).
Un rêve inassouvi ?
Concrétiser l’opéra rock que j’ai écrit il y a quelques années et créer un espace où exposer mon univers : un temple des couleurs.
Sur votre site, vous invitez les internautes à devenir des « happy-culteurs »…
C’est une idée un peu naïve d’utopie mais pourquoi ne pas essayer de transformer chaque jour en instant positif ? J’ai le sentiment que j’ai encore mille choses à faire, beaucoup d’êtres à rencontrer, d’histoires à vivre.
Une devise ?
Un passé spiritueux, un futur spirituel. PROPOS RECUEILLIS PAR LAURENCE HALOCHE