DE GUERRE LASSE
On a connu des livres de guerre plus sensationnalistes. Dans Jonquille. Afghanistan, 2012, il ne se passe presque rien, et ce récit frappera sans doute moins les esprits que Le Feu, La Peur ou Putain de mort. Ici, c’est plutôt La Section Anderson dans Le Désert des Tartares. Sauf que, dans le roman de Buzzati, il n’y avait pas d’ennemi alors qu’en Afghanistan en 2012, il était partout, mais invisible. Le capitaine Jean Michelin est arrivé dans ce pays où l’on fait la guerre depuis des siècles six mois avant le retrait des troupes françaises. Le quidam ne comprend pas très bien ce que lui et ses hommes font concrètement : interdits de se rendre dans les zones où se trouve le gros des talibans, pudiquement nommés « insurgés », ils sécurisent des convois et rendent parfois visite à des postes de police. L’armée afghane, qui doit prendre le relais, est introuvable. Un attentat-suicide fait des morts, une roquette tombe dans un camp. Mais le combat ne vient pas. La nervosité s’installe, la peur est présente, rouler sur quelques kilomètres prend des heures : il faut pister les mines mètre par mètre. Dans une forêt d’acronymes (FOB, TOC, PAV, IED, QRF, PX, VAB, etc.), Michelin, avec un style sobre mais résolument littéraire, raconte la vie avec les hommes qui remplissent son livre : on écoute Radiohead le soir, on fête un anniversaire avec des barbecues improvisés, on attend le courrier, on se réjouit d’un hamburger froid pris sur une base américaine. C’est la guerre telle que nous ne la connaissons pas : peu spectaculaire mais tout aussi pénible, pour ne pas dire absurde.
Jonquille. Afghanistan, 2012, de Jean Michelin, Gallimard, 367 p., 21 €.