Dans la tête de… Alain Pompidou
Scientifique réputé, ancien député européen, grand amateur de peinture et de sculpture : Alain Pompidou possède une vie si variée qu’il pourrait signer une savoureuse autobiographie. C’est pourtant à ses illustres parents qu’il préfère consacrer ses ouvrages. Après Georges Pompidou. Lettres, notes et portraits, 1928-1974 (Robert Laffont) et Claude, c’était ma mère (Flammarion), il publie le passionnant Pour l’amour de l’art. Une autre histoire des Pompidou (Plon) en collaboration avec César Armand. L’occasion de redécouvrir le goût avant-gardiste et très sûr de ce couple d’esthètes que le château de Chambord met également à l’honneur jusqu’à ce dimanche.
Comment résumer votre ouvrage ?
Avec des mots que mes parents ont si souvent utilisés : amour, art et poésie.
L’oeuvre à laquelle ils tenaient le plus ?
Un tableau peint en 1952 par Nicolas de Staël ayant pour titre Les Toits de Paris. Ma mère l’avait offert en 1958 à mon père qui venait d’entrer au cabinet du général de Gaulle.
La politique était-elle reléguée au second plan dans leurs conversations ?
Je ne les ai entendus en parler qu’à deux reprises. D’abord en 1962 : ma mère s’opposait à sa nomination possible à Matignon. « On ne peut rien refuser au Général », avait-il dit pour la convaincre. En 1968, mon père souhaitait démissionner. Elle avait répondu : « Tu as tenu le pays. Il faut que tu tiennes bon. »
Quels artistes vous ont impressionné ?
Pierre Soulages, pour sa prestance et sa créativité. mais aussi Jean Tinguely, Niki de Saint Phalle, Hans Hartung…
Vos poètes préférés ?
Baudelaire, dont mon père s’est inspiré pour prononcer cette phrase : « Comment croire à l’action si elle n’est pas soeur du rêve » ? Et Paul Eluard.
Votre livre de chevet ?
Encore Baudelaire ! Il s’agit d’une petite édition sur papier bible que mon père avait emmenée avec lui quand il a été mobilisé en 1940. Et aussi
Le Grand Meaulnes. Vos romanciers favoris ?
Proust, Dostoïevski et Kafka.
Vos films cultes ?
Hôtel du Nord, de Marcel Carné, et La Règle du jeu, de Jean Renoir, qui dépeignait si bien le monde parisien sans pitié. Plus récemment : Alceste à bicyclette, de Philippe Le Guay, avec Fabrice Luchini et Lambert Wilson.
Dernier fou rire ?
A une dame qui se plaignait d’avoir « un chat dans la gorge », ma petite-fille de 4 ans a répliqué : « Il est passé par où ? »
La vue la plus belle ?
Les glaciers chiliens, l’image même de la puissance et de la beauté.
La période historique où vous auriez aimé vivre ?
Les XVIIe et XVIIIe siècles. C’était le sommet de l’art.
Un dîner avec des personnalités défuntes ?
Picasso, avec qui j’ai eu le privilège de discuter un jour, et Simone Veil, que j’ai connue au Parlement européen.
Et avec des vivants ?
J’adorerais revoir Soulages ou des maîtres de l’art cinétique comme Yaacov Agam.
Comment dissoudre la tristesse ?
Je prie.
Pour quel défaut avez-vous de l’indulgence ?
La colère.
Celui que vous détestez ?
Le mépris.
Un rêve inassouvi ?
Acquérir un manoir en Bretagne en bordure d’estuaire.
Une boisson qui vous rend meilleur ?
Un bordeaux rouge, sans doute du château Beychevelle, qui appartenait à Aymar Achille-Fould
(ancien ministre de Georges Pompidou, ndlr).
Une bonne table ?
Apicius, rue d’Artois à Paris.
Une passion secrète ?
J’ai fait de la sculpture pendant dix ans.
Une devise ?
Celle de la Fondation Claude-Pompidou :
« N’être utile à personne, c’est n’être bon à rien. »