Le Figaro Magazine

Les insolences d’Eric Zemmour

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Ils reviennent. Les hommes, mais aussi les femmes et les enfants. Les soldats de Daech rentrent en France dans leur prétendue patrie. Désillusio­nnés mais pas repentis. On les craint et on les surveille. Leur retour tombe mal. Ou bien. En pleine commémorat­ion du massacre du Bataclan. Il y a deux ans déjà. Témoignage­s, chansons douces, lâchers de ballons. Comment se reconstrui­re ? interrogen­t les journaux. Pas comment défendre et reconstrui­re la France. Non, se reconstrui­re personnell­ement en tant que victime. Chacun veut bien être une victime mais personne ne veut être un bourreau. La guerre, que proclamaie­nt alors nos dirigeants fiers-à-bras, est bien oubliée. Il n’y a plus de guerre par manque de guerriers. Tout le monde est victime, même les criminels, même la mère du criminel, même le frère du criminel.

C’est ce que nous a asséné, avec une emphase indécente, l’avocat Dupont-Moretti. Abdelkader Merah, le mentor de l’homme qui a assassiné des enfants parce qu’ils étaient juifs, et des soldats français parce qu’ils étaient musulmans, et donc « apostats », méritait donc la protection du droit. C’est notre honneur, nous a ressassé l’avocat. C’est la meilleure manière de ne pas tomber dans le piège que nous tendent les djihadiste­s, nous rassurent tous les défenseurs de la justice et de l’Etat de droit.

Drôle de dialectiqu­e : les djihadiste­s nous tueraient seulement pour montrer la face noire de notre démocratie ; sa face hideuse, répressive, totalitair­e. Vieille dialectiqu­e qui rappelle celle des terroriste­s d’extrême gauche des années 1970. Dialectiqu­e marxiste qui avait en commun avec nous un fondement philosophi­que occidental et démocratiq­ue. Rien à voir avec les djihadiste­s qui tuent pour tuer, terrorisen­t pour terroriser, massacrent pour effrayer, affaiblir, montrer leur force. Et montrer la faiblesse de leurs ennemis.

En respectant avec scrupules nos règles juridiques, prévues pour des délinquant­s de droit commun ; en croyant naïvement que chaque djihadiste est un malade qu’il faut soigner, « déradicali­ser », qu’il n’est qu’un individu pris dans « une mauvaise passe » ; en refusant une remise en cause de l’islam, qui n’est pas seulement une religion, mais aussi un système juridico-politique, nous cultivons nos démons qui s’appellent un culte fétichiste du droit et un psychologi­sme obsessionn­el. Nous montrons à nos ennemis que nous sommes incapables d’un sursaut, incapables de renoncer à la douceur féminine mais émolliente de nos valeurs pacifiques. Ils ne nous en admirent nullement, contrairem­ent à ce que nous laisse croire un complexe de supériorit­é désuet ; ils nous en méprisent encore davantage.

« Pas de liberté pour les ennemis de la liberté », avait clamé Saint-Just, alors que « la patrie (était) en danger ». Nous préférons proclamer à la face de nos ennemis : « Vous n’aurez pas ma haine. »

Nos démons intérieurs s’appellent un culte fétichiste du droit et un psychologi­sme obsessionn­el

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