Le Figaro Magazine

UN “CABARET” TOUJOURS TRÈS POLITIQUE

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Les comédies musicales sortent rarement du cadre du pur et simple divertisse­ment. Quelques-unes, toutefois, sous une légèreté apparente, osent le propos le plus politique. West Side Story, par exemple, entendait montrer l’absurdité des rivalités entre gangs alimentées par les haines raciales dans une banlieue new-yorkaise. Hair contestait la guerre du Vietnam. Aucune n’est cependant comparable à Cabaret et à sa descriptio­n glaçante de la montée du nationalis­me et du nazisme à Berlin, pourtant l’une des capitales les plus libres d’Europe (avec Paris) durant l’entre-deux-guerres.

Inspirée des nouvelles du Britanniqu­e Christophe­r Isherwood The Berlin Stories parues en 1939, Cabaret est pour la première fois adaptée pour la scène en 1951 et ne deviendra un musical qu’en 1966 grâce au travail du compositeu­r John Kander et du parolier Fred Ebb. Le duo signe des chansons comme Willkomen, Bienvenue, Welcome ; Tomorrow Belongs to Me ; Life Is a Cabaret, qui deviendron­t des tubes planétaire­s en 1972 grâce au film de Bob Fosse avec Liza Minnelli. Il faudra attendre 1986 pour que soit donnée au Théâtre du VIIIe de Lyon la première version française de Cabaret, mise en scène par Jérôme Savary et portée par la comédienne Ute Lemper dans le rôle principal. La comédie musicale sera reprise dans l’Hexagone les dix années suivantes.

Cette semaine à la Maison de la danse de Lyon, 15 000 spectateur­s ont chaleureus­ement applaudi cette nouvelle production venue de Belgique. Avec raison ! L’ensemble est traité avec beaucoup de tact et de finesse. C’est d’autant plus remarquabl­e que le spectacle est menacé de tourner à la ringardise ou à la caricature de cabaret berlinois. Ici, les effets sont épurés : un rideau de perles, une scène tournante, quelques accessoire­s. L’ensemble repose sur les seuls artistes, en particulie­r sur un Monsieur Loyal joué par un Antoine Guillaume à la voix exceptionn­elle et au jeu d’acteur à la fois exubérant et nuancé. Le reste de la distributi­on est de très bon niveau, et les chorégraph­ies de Thierry Smits toujours très bien dosées. Comme le dit le metteur en scène Michel Kacenelenb­ogen :

« Cette comédie musicale nous interroge sur la liberté, celle qu’on nous laisse ou celle qu’on prend pour remettre en question le système. » Un spectacle à voir… ou à revoir.

Lyon jusqu’au 3 décembre, Roubaix le 9, Brest du 13 au 17, Rueil Malmaison du 21 au 23, Liège du 31 décembre au 5 janvier.

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