Le Figaro Magazine

LAURENT WAUQUIEZ, ET S’IL Y ARRIVAIT ?

Favori de l’élection à la présidence des Républicai­ns des 10 et 17 décembre, Laurent Wauquiez a une lourde tâche à assumer. Face à un Emmanuel Macron qui n’a pas renoncé à faire éclater la droite, le patron de la Région Auvergne-Rhône-Alpes va devoir tout

- PAR CARL MEEUS

Le matin du 11 décembre sera un matin comme tous les autres, et pourtant, pour Laurent Wauquiez, ce sera le premier jour du reste de sa vie. S’il est élu, comme tout le laisse penser, dès le premier tour, dimanche 10 décembre, président des Républicai­ns, par les militants du parti, c’est une nouvelle vie qui s’ouvrira devant lui. Un nouveau pari. Il en est d’ailleurs parfaiteme­nt conscient. « Avant, ce que je construisa­is dépendait des autres. Maintenant, c’est à moi d’ouvrir le chemin. » Malgré tous les efforts d’Emmanuel Macron, malgré les départs de certains dirigeants, malgré la double défaite, présidenti­elle et législativ­es, du printemps dernier, Les Républicai­ns sont toujours là ! Et désormais, le parti créé par Alain Juppé en 2002, transformé par Nicolas Sarkozy en 2014, est de nouveau incarné par un président légitime, élu par les militants, quand bien même ils ne seraient que 50 000 d’entre eux à avoir voté. « J’ai la responsabi­lité de faire entendre la voix de la droite. Je veux à nouveau qu’on ouvre, face au marigot central, un choix, une alternativ­e », explique un Laurent Wauquiez déterminé, renforcé par quatre mois de campagne intense et permanente. Il va « rechercher un peu de magie dans cette inertie morose », chantée si bien par Etienne Daho.

Dans un scrutin sans véritable suspense, le patron de la Région Auvergne-Rhône-Alpes aurait tout aussi bien pu se ménager. Quel besoin de parcourir 80 départemen­ts, parfois au rythme d’un déplacemen­t par jour ? « C’est son tempéramen­t », assure son ami Brice Hortefeux. Déjà aux élections régionales de 2015, ce dernier avait été étonné du nombre élevé de déplacemen­t du candidat. « Ça me rassure », lui avait répondu Laurent Wauquiez. L’ancien ministre n’a pas oublié l’erreur fatale commise par François Fillon en 2012, quand il avait voulu prendre la présidence de l’UMP au lendemain de la défaite de Nicolas Sarkozy, face à Jean-François Copé. Les sondages lui assuraient une confortabl­e avance ? Il n’avait pas forcé sa nature et n’avait pas mené une campagne acharnée. Résultat, il avait été battu sur le fil. Certes, en 2017, la concurrenc­e est moins rude. Maël de Calan et Florence Portelli n’ont pas la même surface politique et médiatique que Laurent Wauquiez et ne disposent pas des mêmes moyens. Pour autant, ce dernier n’a pas ralenti le rythme. Car pour lui, « l’élection n’est pas un aboutissem­ent mais un commenceme­nt ». →

→ « Sa campagne n’est pas un spectacle médiatique, elle est exclusivem­ent tournée vers les militants », assure Geoffroy Didier, son directeur de campagne. C’est la raison pour laquelle il n’a pas voulu des débats télévisés que désiraient lui imposer ses concurrent­s. Lors de ses déplacemen­ts, Laurent Wauquiez prend son temps, discute avec les militants, les écoute. Et ce qu’il entend le conforte dans ses choix. Comme à Dijon, quand une retraitée vient le voir pour lui dire, en réponse à l’augmentati­on de la CSG voulue par Emmanuel Macron : « Vous savez, nous, on n’est pas riches ! » Ou à Nîmes, quand il rencontre des « startupeur­s » qui ne demandent qu’à rester dans leur ville et qu’on leur permette de réussir. Ou à Belfort, quand ce fils de tirailleur marocain, devenu conseiller municipal, est venu lui dire sa fierté d’être français. Autant de témoignage­s qu’il considère davantage que ce qu’il appelle « l’hystérie des commentate­urs ». Il en est convaincu, « l’idée que la droite assume ses idées est insupporta­ble » aux yeux de certains. Tant pis pour eux, Laurent Wauquiez n’a pas l’intention de changer. « Dans cette campagne, je n’ai rien lâché. J’ai tenu et je suis allé au bout. J’ai voulu montrer la nécessité d’une parole de droite face à Emmanuel Macron, qui ne lutte pas contre le gaspillage de l’argent public, qui “allume” les retraités, et qui est capable de tous les accommodem­ents avec l’islam. Ma conviction, c’est que la renaissanc­e de la droite est possible, et que les valeurs de la droite sont les valeurs centrales de la France. »

La difficulté pour Laurent Wauquiez, c’est qu’Emmanuel Macron n’est pas disposé à lui faciliter la tâche. « C’est un danger permanent car il s’adapte », constate Geoffroy Didier. Quand le président de la République évoque les « fainéants »,

il n’est pas loin de la critique de l’assistanat de Laurent Wauquiez. Et comment les électeurs de droite ont-ils réagi quand ils ont entendu le chef de l’Etat, voici quelques jours, dire clairement face à une immigrée marocaine : « On ne peut pas accueillir tous les gens qui viennent sur des visas et qui restent après. Je ne peux pas donner des papiers à tous les gens qui n’en ont pas, sinon comment je fais après avec les gens qui sont déjà là et n’arrivent pas à avoir un travail. Si vous n’êtes pas en danger dans votre pays, il faut retourner dans votre pays. » Laurent Wauquiez a bien compris le danger, qui dénonce « l’ultracom » d’un président qui parle beaucoup, mais n’agit pas.

Pour René Char, « il n’y a que deux conduites avec la vie : ou on la rêve ou on l’accomplit ». Laurent Wauquiez a choisi la seconde solution, et tant pis si le prix à payer est élevé. Il se souvient de cette phrase de Nicolas Sarkozy : « Ce qui fait la crédibilit­é d’une ambition, c’est le prix personnel qu’on est prêt à payer. » Et de ce point de vue, Laurent Wauquiez est devenu la cible privilégié­e d’un microcosme parisien →

“MACRON EST UN DANGER PERMANENT, IL S’ADAPTE” GEOFFROY DIDIER

→ avant tout de la pâte humaine », prévient un sénateur. L’adhésion des ministres ex-LR à La République en marche montre qu’il n’y a pas véritablem­ent d’espace politique entre les deux mouvements. Une épine en moins dans le pied de Wauquiez. D’ailleurs, quand il regarde le paysage politique quatre mois après la rentrée, le favori du scrutin du 10 décembre constate que les correction­s se sont effectuées en sa faveur. Mélenchon, proclamé opposant numéro un avoue être en déprime et cherche son second souffle. Marine Le Pen n’arrive pas à faire oublier sa séquence électorale calamiteus­e. Mieux, la propositio­n d’« alliance » qu’elle lui a faite lui « a rendu un immense service ». « Elle a montré qu’elle était paumée. Quinze jours avant, elle me tapait dessus », se félicite Laurent Wauquiez, conforté dans sa stratégie de tendre la main aux électeurs du Front national. « Je leur dis : “Prenez le temps de juger.” La seule question à se poser est de savoir si la droite aura le courage de le faire ? La génération qui vient est déterminée à tirer les leçons du passé. »

« Ceux qui lui reprochent de s’opposer à Macron aujourd’hui sont les mêmes qui lui reprochera­ient dans cinq ans d’avoir laissé la place à Marine Le Pen s’il ne l’avait pas fait », juge Geoffroy Didier, qui estime qu’« en montant de son, il réussit quelque chose : l’opposition à Macron, c’est lui ». C’est le principal objectif de Laurent Wauquiez. Capter la colère des Français, dont il pense qu’elle n’est pas retombée après la présidenti­elle, et s’installer en premier opposant du chef de l’Etat. Il compte pour cela mettre en place un « pack » d’une dou- zaine de personnes (secrétaire général, adjoints, vice-présidents, porte-parole) autour de lui — essentiell­ement issues de la nouvelle génération. « Mon obsession, c’est de sortir des ralliement­s de mercenaire­s du type Solère ou Darmanin », lance Laurent Wauquiez. Sur le fond, il veut faire comme Tony Blair sur la sécurité, une triangulat­ion des idées, en investissa­nt des thèmes de gauche comme l’écologie ou le social, avec un logiciel de droite. En ce sens, il n’est pas loin de penser comme Nicolas Sarkozy : « Sans l’électorat populaire, la droite ne peut pas être majoritair­e. » Se souvient-il de cette visite à l’usine d’Alstom de Nicolas Sarkozy ? Un journalist­e, interloqué de voir les ouvriers visiblemen­t satisfaits de leur conversati­on avec lui, leur demande pourquoi ils l’apprécient : « Parce qu’il est comme nous. On comprend ce qu’il dit. »

Tout peut changer aujourd’hui. C’est ce que Laurent Wauquiez se dira le soir de l’élection du président des Républicai­ns, s’il l’emporte aisément. Chef du principal parti de l’opposition, il aura alors quatre ans devant lui pour reconstrui­re la droite et préparer une candidatur­e à la prochaine présidenti­elle. Il se souviendra alors peut-être de cet échange, au début de l’année 2017, avec François Baroin qui pensait l’avoir déstabilis­é en lui disant : « Tu sais, pour être heureux, il n’y a pas besoin d’être président de la République. » Laurent Wauquiez avait reconnu, devant un de leurs amis communs, avoir trouvé plutôt curieuse cette réplique, avouant par là son ultime ambition. ■

“TU SAIS, POUR ÊTRE HEUREUX, PAS BESOIN D’ÊTRE PRÉSIDENT” FRANÇOIS BAROIN

 ??  ?? Emmanuel Macron à la sortie de sa visite aux Restos du coeur. En disant fermement à une immigrée marocaine : « Si vous n’êtes pas en danger dans votre pays, il faut retourner dans votre pays », le chef de l’Etat n’a pu que séduire une partie de...
Emmanuel Macron à la sortie de sa visite aux Restos du coeur. En disant fermement à une immigrée marocaine : « Si vous n’êtes pas en danger dans votre pays, il faut retourner dans votre pays », le chef de l’Etat n’a pu que séduire une partie de...
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 ??  ?? Maël de Calan et Florence Portelli ne ménagent pas le favori. « Le Benoît Hamon de la droite », pour le premier. « Le candidat de Macron », pour la seconde. S’il l’emporte, Laurent Wauquiez devra leur tendre la main pour rassembler la « famille ».
Maël de Calan et Florence Portelli ne ménagent pas le favori. « Le Benoît Hamon de la droite », pour le premier. « Le candidat de Macron », pour la seconde. S’il l’emporte, Laurent Wauquiez devra leur tendre la main pour rassembler la « famille ».
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