En vue : Gilles Simeoni
Le leader autonomiste est donné favori de l’élection de la nouvelle collectivité territoriale unique, qui se joue les 3 et 10 décembre.
La Corse aura bientôt son président, et Gilles Simeoni ne voit pas comment le fauteuil pourrait lui échapper. A 50 ans, le fils d’Edmond Simeoni, figure du nationalisme, est bien sûr trop aguerri pour oublier qu’« une élection n’est jamais gagnée d’avance ». Mais après avoir fait chuter la dynastie Zuccarelli à la mairie de Bastia et battu Paul Giacobbi à l’Assemblée territoriale, il est le grand favori du scrutin qui se déroulera les 3 et 10 décembre sur l’île. Pour la première fois de son histoire, la Corse sera administrée par une collectivité territoriale unique qui, en vertu de la loi NOtre, remplacera les conseils départementaux de Haute-Corse, de Corse-du-Sud et la collectivité territoriale élue il y a deux ans.
Pour l’emporter, le leader du courant autonomiste Femu a Corsica (Faisons la Corse) a reconduit son alliance avec le mouvement indépendantiste Corsica libera (Corse libre) de Jean-Guy Talamoni. Du coup, leurs adversaires de droite agitent le spectre d’une crise à la catalane en cas de nouvelle victoire nationaliste. Trois des quatre députés corses élus en 2017 appartiennent déjà à cette mouvance. Conscient de la nécessité de rassurer la population insulaire, Gilles Simeoni a fait signer à ses alliés un « pacte stratégique » qui proscrit « l’action clandestine » et présente « la lutte démocratique » comme la seule voie possible pour accéder à « l’autonomie ». Selon lui, cette aspiration à « l’émancipation » est largement partagée en Corse et au-delà. « Hervé Morin (le nouveau président centriste de l’association des Régions de France, ndlr)m’a confié qu’il était favorable à l’octroi d’un pouvoir législatif aux Régions », nous a-t-il affirmé.
Gilles Simeoni, bien qu’appartenant à une génération « grandie dans le fracas des bombes », revendique son « pragmatisme ». En attendant de pouvoir « inscrire l’existence du peuple corse dans la Constitution », il parle « précarité, transports, accès au numérique » et vante le bilan de ses deux ans à la tête de l’Assemblée territoriale avec Jean-Guy Talamoni. Aussi affable que son allié peut être renfermé, il joue du contraste entre eux pour désamorcer les craintes. Il a fait rire les participants de son meeting à Ajaccio, pendant la campagne, en leur lançant du haut de son 1,84 m : « Si on gagne, vous voyez sérieusement Jean-Guy remonter le cours Grandval sur un char pour proclamer l’indépendance ? ! »
Son humour n’empêche pas un caractère sanguin. Lorsqu’il défendait Yvan Colonna, condamné pour le meurtre du préfet Erignac, un confrère avocat a raconté l’avoir vu « faire des pompes tout nu » dans l’appartement qu’ils partageaient pour se calmer après la prestation calamiteuse de l’un de ses experts. Quand on prétend incarner l’avenir de la Corse, mieux vaut garder ses nerfs.