Le Figaro Magazine

L’apostrophe de Jean-Christophe Buisson/Ecrans

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CHER PATRICK BRION, vous êtes un miraculé.

A l’heure où les mâles blancs de plus de 50 ans ont mauvaise presse sur les chaînes du service public, votre survivance sur France 3 tient du prodige. Certes, votre programme n’est diffusé qu’une fois par semaine, le dimanche soir et à une heure où tout le monde est couché en prévision d’une nouvelle semaine harassante de travail : il n’empêche. Savoir que, dans la France de M. Macron en marche gaillarde vers demain (et en Technicolo­r, tant qu’à faire), perdure non moins gaillardem­ent le « Cinéma de minuit » a quelque chose de rassurant. Tout n’est pas fichu tant que cette madeleine-là, héritage du « vieux monde » (en noir et blanc, souvent lent et pas très inclusif), n’aura pas été passée au mixer de la modernité obligatoir­e. Car existe-t-il une seule personne née entre 1945 et 1995 et se prétendant un peu cinéphile qui n’ait pas été sensible aux notes de violoncell­e du générique signé Francis Lai et au défilé magique des visages se superposan­t trop vite de Greta Garbo, Vivien Leigh, Ava Gardner, Clark Gable, Humphrey Bogart et Gary Cooper (on en oublie) ?

Les intitulés des cycles que vous proposez depuis quarante ans sont à eux seuls des invitation­s impossible­s à refuser : « L’âge d’or hollywoodi­en » (avec Le Faucon maltais en point d’orgue), « Stars féminines » (L’Ange bleu, La Dame de Shanghaï…), « John Ford » (le bonheur de revoir pour la septième fois La Charge héroïque !), « Hommage à la Metro-Goldwyn-Mayer » (quatre heures de bandes-annonces de merveilles de la MGM !), « France 1930-1941 » (Le Jour se lève, Le Joueur d’échecs…). Et que dire de ces deux mois magiques de 1978 où se sont enchaînés un hommage à Clark Gable, un cycle Eisenstein et un cycle Capra ?

Dans un épais et précieux ouvrage aux allures de cinémathèq­ue idéale (Cinéma de minuit, Télémaque, 767 p., 62 €), vous recensez et résumez brillammen­t les 2 000 films que vous avez fait diffuser. Et rappelez qu’il fut un temps où un Premier ministre vous appelait le lundi matin pour se désoler d’avoir raté le film de la veille. Comme le temps passe. Post-apostrophu­m : à voir ce dimanche, Paradis perdu, d’Abel Gance, avec Micheline Presle, Robert Le Vigan, Elvire Popesco (excusez du peu !).

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