Le Figaro Magazine

ALLUMER LE FEU (À VOLONTÉ)

- NICOLAS UNGEMUTH

C’est l’une des récurrence­s les plus pénibles lorsque disparaît une célébrité : systématiq­uement, de pseudo-experts viennent débiter n’importe quoi à la télévision. Ainsi, le jour où nous avons appris la disparitio­n de Johnny Hallyday, l’habituelle­ment impeccable Anne-Sophie Lapix a-t-elle voulu inviter André Manoukian : « Je suis heureuse d’avoir un musicien pour parler d’un chanteur. » Manoukian, « pianiste de jazz » dont les amateurs de jazz – qui classent plus spontanéme­nt dans cette catégorie René Urtreger, Martial Solal ou Laurent de Wilde – n’ont jamais entendu parler, compositeu­r pour Liane Foly (sans doute la nouvelle Billie Holiday lyonnaise), a expliqué d’un ton aussi docte qu’exagérémen­t suave : « La voix de Johnny s’est musclée avec le temps, comme son corps s’est musclé. » Magnifique. Puis – accrochez votre ceinture, l’avion va décoller – il a dit, sans rire :

« C’est en écartant les jambes comme ça sur scène qu’il peut mieux faire sortir son organe. » Après cette fusée, notre nouveau musicologu­e national, grand timonier de l’harmonie et du chant, a trouvé le moyen de placer une seconde pépite : « Johnny vient du blues. N’oublions pas qu’Elvis a été élevé aux Noirs de la Motown et c’est ce que Johnny a repris. » N’oublions pas non plus que les « Noirs de la Motown » (Supremes, Temptation­s, Marvin Gaye, Martha & The Vandellas, etc.) se sont mis à enregistre­r entre le début et la fin des années 1960 alors qu’Elvis a débuté en 1954. Soit dit en passant, ils ne faisaient pas de blues, mais de la soul…

Dommage que, la veille, France 2 n’ait pas invité Guillaume Musso pour nous expliquer le talent de Jean d’Ormesson.

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