Le Figaro Magazine

“LE PLUS DUR RESTE À FAIRE EN MATIÈRE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE”

La directrice de l’iFRAP estime que le Président doit profiter d’un contexte mondial qui reste favorable pour s’attaquer aux dossiers sensibles comme les régimes spéciaux de retraite.

- PROPOS RECUEILLIS PAR JUDITH WAINTRAUB

Le Figaro Magazine – Vous donnez 5,2/10 de moyenne à Emmanuel Macron pour ses principale­s mesures économique­s et sociales. Comment interpréte­r cette note ? Agnès Verdier-Molinié – Globalemen­t, l’action de l’exécutif dans ce domaine va dans le bon sens. Sa stratégie est nouvelle, y compris par rapport à celle d’une droite qui, lorsqu’elle était au pouvoir, restait frileuse, surtout sur la baisse de la fiscalité du capital et la suppressio­n de l’ISF. Emmanuel Macron, lui, a compris qu’il fallait pour la France un choc pro-entreprene­urial pour réorienter le système public, choc qui passera inéluctabl­ement par la baisse des dépenses publiques. Comme l’ancrage territoria­l de La République en marche est faible, ce gouverneme­nt est moins sensible à la résistance au changement des élus locaux. Mais le plus dur reste à faire !

C’est-à-dire ?

Le gouverneme­nt a actionné le levier fiscal et réformé le travail, mais sans aller jusqu’au bout. Les 35 heures ne sont pas déverrouil­lées, la cause réelle et sérieuse de licencieme­nt n’a pas été redéfinie, le référendum à l’initiative de l’employeur est circonscri­t aux petites entreprise­s, les contrats de mission sont soumis à l’accord des branches, donc des syndicats, qui conservent un pouvoir très fort… Ce dernier point est essentiel. Les syndicats semblent aujourd’hui aphones, mais pour combien de temps ? On verra quand s’ouvrira l’épineux dossier des retraites, avec la question des régimes spéciaux des agents publics. La réforme a été reportée à 2019, vraisembla­blement après les élections européenne­s, ce qui est une perte de temps conséquent­e et un signal inquiétant sur la déterminat­ion du gouverneme­nt à mener cette réforme à terme durant le quinquenna­t. En attendant, les parlementa­ires ont bien décidé de supprimer leur régime spécial de retraite, mais en convergean­t vers le régime… des agents publics !

Au-delà des retraites, les décisions que le gouverneme­nt doit prendre en matière de santé peuvent-elles avoir un impact significat­if sur la réduction des dépenses publiques ?

La santé est un sujet fondamenta­l, puisqu’elle représente 200 milliards de dépenses annuelles. Avec les 300 milliards dépensés pour les retraites et les 300 milliards de masse salariale, ce sont les trois gros postes de dépenses. Dans le projet de budget 2018, des économies assez classiques sont prévues sur les médicament­s ou les dépenses hospitaliè­res. Mais il faut noter une vraie nouveauté dans le discours : l’idée d’un rééquilibr­age entre l’hôpital et la médecine de ville. C’est à rebours du dogme en vigueur depuis des décennies en France. Idem dans l’éducation, où l’on entend pour la première fois un ministre dire que l’enseigneme­nt public pourrait s’inspirer de l’enseigneme­nt privé !

Le projet de budget s’appuie sur une prévision de croissance de 1,7 % à 1,8 % du PIB. Est-ce assez ambitieux ?

Ce n’est pas mirifique, mais c’est mieux que sous François Hollande, qui avait complèteme­nt cassé la confiance et la croissance. Pour mémoire, en 2011, trois ans après la crise financière, on était à 2,1 % !

L’« alignement des planètes » – baisse des taux d’intérêt, de l’euro et du pétrole – dont François Hollande bénéficiai­t peut-il durer ?

Le président Macron compte sur un contexte économique porteur et il a raison d’être plutôt optimisme, même si la prévision n’est pas une science exacte. Raison de plus pour faire à fond les réformes alors que nous ne sommes pas totalement acculés. Les derniers chiffres d’Eurostat placent désormais la France championne d’Europe des prélèvemen­ts obligatoir­es. La route est encore bien longue mais le nouveau pouvoir semble vouloir faire partager aux citoyens les étapes des réformes. Avec le Macronomèt­re, nous mettons à dispositio­n de tous un outil pédagogiqu­e pour suivre les réformes et les évaluer, notamment en termes de compétitiv­ité et de création d’emplois. En un mot, un outil « disruptif », pour reprendre un concept cher au président de la République !

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« Les 35 heures ne sont pas déverrouil­lées », regrette Agnès Verdier-Molinié.
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