“ON PEUT FAIRE ENCORE MIEUX POUR NOTRE SÉCURITÉ”
Thibault de Montbrial*, spécialiste de la sécurité intérieure approuve la réponse au terrorisme mais regrette que la radicalisation ne soit pas assez combattue.
Le Figaro : La lutte contre le terrorisme islamiste a-telle gagné en efficacité avec Emmanuel Macron ? Thibault de Montbrial : Oui. Bien que les micmacs de l’été sur les budgets de la Défense et de l’Intérieur aient envoyé un message politique désastreux, le nouveau pouvoir a immédiatement pris la mesure du risque du terrorisme islamiste et il a très vite pris des dispositions utiles. La création du Centre national du contre-terrorisme, rattaché à l’Elysée, m’apparaît plutôt efficace. Même s’il y a eu des attaques, la France n’a pas connu d’attentat majeur et plusieurs réseaux et cellules islamistes ont été démantelés. Les services travaillent bien, alors que les coups portés à l’Etat islamique au Levant augmentent le risque chez nous. Il faut être conscient que le pire est devant nous : les Occidentaux ont commis une faute stratégique qui pourrait nous coûter très cher en laissant partir de Raqqa des centaines de combattants de l’EI avec famille et armement. Ils reviennent actuellement en Libye avec la détermination de poursuivre la guerre en Europe. De nombreux policiers et militaires sont d’ailleurs convaincus de la montée en puissance des attaques de notre territoire, et notamment de l’importation de techniques de guérilla observées en Syrie. Sur le plan juridique, Emmanuel Macron et son gouvernement ont réussi une gageure : la sortie de l’état d’urgence. Depuis la tentative de François Hollande, qui avait tourné court avec l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice, on se disait qu’aucun politique n’aurait le courage de s’y atteler. La loi antiterroriste d’octobre n’est pas une simple transposition de l’état d’urgence, contrairement à ce que disent ses opposants : elle fournit des outils supplémentaires à nos services de sécurité, mais avec beaucoup plus de garanties juridiques. Je regrette cependant certaines concessions, comme l’extension du périmètre de l’assignation à résidence à la commune, qui n’a pas de sens. On pourrait aussi étendre notamment aux maires la possibilité de saisir le service Sneas (Service national des enquêtes administratives de sécurité), qui permet à certaines entreprises de faire vérifier si l’un de leurs salariés n’est pas radicalisé. Avez-vous d’autres réserves ?
Cette appréciation globalement positive doit être nuancée par les ambiguïtés du discours d’Emmanuel Macron sur l’islamisme, action et discours étant évidemment indissociables. En matière de terrorisme, le Président nomme l’ennemi, contrairement à son prédécesseur, mais j’attends toujours une condamnation ferme et un plan d’action déterminé contre l’islamisme politique, qui multiplie les provocations pour tester nos institutions et bénéficie parfois d’attitudes au mieux naïves dans le corps préfectoral et l’appareil judiciaire. Le tout sous l’oeil complaisant d’un Observatoire de la laïcité dont on se demande ce qu’il observe !
Ajoutons que le terrorisme islamiste n’est pas le seul qui nous menace. Depuis le début de 2017, il y a une augmentation phénoménale de la violence d’extrême gauche, qui se structure de plus en plus, à tel point que les services de renseignement craignent la résurgence de mouvements du type Action directe qui ont ensanglanté le milieu des années 1980. ■
*Avocat au barreau de Paris, président du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure (CRSI). Dernier livre paru : Le Sursaut ou le Chaos (Plon, 2015).