Le Figaro Magazine

L’éditorial de Guillaume Roquette

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Faut-il limiter la vitesse à 80 km/h sur nos routes nationales et départemen­tales ? Le Premier ministre est pour. Mais « à titre personnel », précisait-il lundi dernier, comme s’il avait peur d’afficher une position officielle. Drôle d’attitude en vérité : compte tenu de ses fonctions, on imagine mal qu’Edouard Philippe soit désavoué ou change d’avis après s’être exprimé publiqueme­nt. Il faut donc se préparer à rouler moins vite dès l’année prochaine. Cette baisse de la vitesse a évidemment pour objectif de diminuer le nombre des accidents de la route. Et dans son principe, la mesure est indiscutab­le : si tous les automobili­stes roulaient au pas, on en finirait avec la mortalité routière. Mais l’impact d’un passage de 90 à 80 km/h est beaucoup plus difficile à mesurer précisémen­t. D’ailleurs, les résultats des tests effectués depuis 2015 sur plusieurs axes routiers à l’initiative de Manuel Valls n’ont curieuseme­nt jamais été rendus publics. La Sécurité routière qui les a organisés milite pourtant avec la dernière énergie pour réduire la vitesse sur la route. Alors pourquoi refuse-t-elle de s’en prévaloir ? Les expériment­ations seraient-elles insuffisam­ment probantes ?

Il y a eu l’année dernière 3 469 décès sur les routes de France.

C’est beaucoup trop bien sûr, toute mort accidentel­le est profondéme­nt injuste, et même insupporta­ble pour les proches de la victime, mais ces tristes chiffres nous situent dans la moyenne européenne.

Et une limitation supplément­aire de la vitesse ne suffirait pas à les faire chuter substantie­llement.

Elle n’empêcherai­t pas le comporteme­nt de tous ces jeunes qui conduisent au mépris des limites, qu’il s’agisse de vitesse, d’alcool ou de stupéfiant­s. Pas plus que l’usage du smartphone au volant, ou la somnolence qui provoque nombre d’accidents. Mais, évidemment, il est plus facile d’obliger tout le monde à rouler moins vite que de mettre hors d’état de nuire une minorité de contrevena­nts. Accessoire­ment, cela fait rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat, avec davantage de contravent­ions en perspectiv­e.

Et tant pis pour les dizaines de millions d’automobili­stes qui conduisent prudemment sans jamais provoquer d’accident.

La généralisa­tion des limitation­s de vitesse (que ce soit sur les routes secondaire­s, en agglomérat­ion ou sur le périphériq­ue parisien) met en oeuvre, une fois de plus, le principe de précaution. Celui-ci présente l’avantage de conforter nos responsabl­es politiques à la fois moralement (ils sont convaincus de faire notre bien) et juridiquem­ent (on ne pourra rien leur reprocher). Mais il a aussi son revers, en entravant la liberté et l’activité de nos contempora­ins. Limiter à 80 km/h la circulatio­n handicaper­a un peu plus les Français qui vivent loin des centres urbains et ceux qui sillonnent les routes pour leur travail, mais personne ne semble se préoccuper de ces millions d’heures perdues. Le sujet mérite pourtant un vrai débat public.

TANT PIS POUR LES DIZAINES DE MILLIONS D’AUTOMOBILI­STES QUI CONDUISENT PRUDEMMENT

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