Dans la tête de… Ariane de Rothschild
En société, son esprit et sa spontanéité font mouche. La solaire épouse du baron Benjamin de Rothschild, mère de leurs quatre filles, pulvérise magistralement tous les clichés. Ce « pur produit de la finance », comme elle se définit elle-même, dirige depuis 2015 le groupe Edmond de Rothschild. Première et seule femme à la tête d’une banque privée à Genève, elle parle avec autant d’enthousiasme de haute finance, de voile, du brie de sa Ferme des Trente Arpens, des propriétés viticoles du groupe… que de son nouvel hôtel, le Four Seasons Megève, qui ouvre le 15 décembre.
Que préférez-vous : la banque, les exploitations agricoles ou l’hôtellerie ?
Je ne mets pas de hiérarchie. Je peux commencer la journée en escarpins à la banque et la finir en bottes et casque de sécurité sur un chantier. Ne pas être limitée au monde de la haute finance m’ancre dans la réalité.
Quel est votre fil d’Ariane ?
La même méthode de travail, la même maîtrise des sujets et la même exigence d’excellence. J’aime la gymnastique intellectuelle. J’éprouve un vrai plaisir à sauter d’un projet à l’autre. Ce n’est pas de la dispersion ni de l’inattention, car il faut être très concentré pour réussir.
La parité est-elle votre cheval de bataille ?
Notre comité exécutif est désormais composé à parts égales de femmes et d’hommes. Mais ce n’est pas tant la parité qui m’intéresse que la diversité, qui est une vraie richesse pour l’entreprise. Je ne mène pas un combat féministe acharné. Il est important pour moi d’ouvrir la porte à des talents divers et variés, de toutes origines.
Quelle femme vous inspire ?
Christine Lagarde, un magnifique leader !
Un mot pour définir votre style ?
Je dirais : transparent. Sans codes. C’est-à-dire être soi. Mais je sais que cela peut être déstabilisant, voire brutal, pour les autres.
Etes-vous une baronne rebelle ?
Dans un monde très feutré, les gens s’attendent à des codifications qu’ils sont souvent surpris de ne pas trouver chez moi. Plus j’avance, plus je pense que ces codifications sont une perte de temps.
Je ne suis pas dans une posture rebelle, je vis simplement en accord avec moi-même. Quelles qualités vous ont-elles permis de réussir ?
Une grande capacité d’adaptation, intellectuelle et émotionnelle.
Un lieu qui vous ressource ?
Au Mozambique, une plage sauvage où viennent pondre les tortues. J’ai mis des années à l’acheter. Pour la préserver de toute construction.
Quel privilège !
Vous pouvez avoir tous les privilèges du monde, si vous n’êtes pas patient, déterminé et si vous ne travaillez pas avec ténacité, cela ne sert à rien. Je regrette que l’on donne souvent aux gens la fausse perception du succès rapide. Obtenir les choses immédiatement n’est pas gratifiant.
Y a-t-il une vertu de l’attente ?
Le temps de l’attente est celui du rêve. Les récoltes, le vin… C’est magique grâce à l’attente. André Gide l’évoque merveilleusement dans Les Nourritures terrestres.
Votre madeleine de Proust ?
L’odeur de la brousse, avant les premières pluies. J’ai demandé à un nez de créer des bougies de toutes ces odeurs singulières que j’aime tant.
Un hôtel à couper le souffle ?
Le Como Shambhala, à Ubud, en Indonésie. Une maison en bois qui semble avoir toujours existé, entourée de sublimes fougères arborescentes. Waouh !
Quels cadeaux aimez-vous offrir ?
Des cadeaux soigneusement pensés pour la personne à laquelle ils sont destinés. J’en fais au moins deux cents par an. C’est mon côté passablement excessif.
Votre menu de réveillon ?
Toujours le même : caviar, pâtes à la truffe blanche et glace à la vanille.
Que souhaitez-vous à vos filles ?
D’être de belles personnes. Ce qui signifie : être engagé, avoir des convictions, être connecté à son environnement, avoir une grande conscience de ses privilèges et de ses responsabilités sociétales. Savoir faire preuve d’abnégation.
Une devise ?
« Think » !