Le Figaro Magazine

La page d’histoire de Jean Sévillia

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C’était à peine trois ans après les « événements ». En plein maoïsme, alors que sont adulés Barthes et Deleuze et que Tel Quel règne sur l’intelligen­tsia fréquentab­le, apparaît une nouvelle revue comme un négatif de son temps. Matulu est une sorte de Arts qui serait arrivé trop tard. On y parle de littératur­e, de cinéma, de théâtre. Le fondateur, Michel Mourlet, est un cinéphile fameux et mac-mahonien établi, mais si Douglas Sirk, et Vincente Minnelli sont évoqués, ce sont avant tout les écrivains que ces dissidents honorent (parmi lesquels un Jean-Pierre Martinet qui signe des articles nettement plus lisibles que ses romans). En ce début des années 70, la bande de Matulu ressuscite les réprouvés et honore les oubliés : on y lit des interviews de Lucien Rebatet, de Henry de Montherlan­t (juste avant son suicide), de Paul Morand, on y parle d’André Fraigneau, on célèbre Roger Nimier, Roland Laudenbach et Michel Déon, qui livre un entretien charriant des phrases parfaites : alors qu’on lui demande si c’est une douleur d’écrire, l’auteur des Poneys sauvages répond « C’en est toujours une. Ce qui vient sous la plume est inférieur à ce qu’on voulait. Toutes nos réalisatio­ns trahissent nos rêves »… Matulu a finalement capitulé en 1974 et n’a pas survécu au choc pétrolier. Une nouvelle version est apparue brièvement dans les années 80, mais c’est dans ces pages que se trouve la légende. Matulu - journal rebelle (1971-1974), anthologie établie par François Kasbi, Les éditions de Paris, 478 p., 20 €.

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