Le Figaro Magazine

Le bloc-notes de Philippe Bouvard

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Le présent ne fera pas de vieux os. L’avenir est annoncé comme catastroph­ique. De quelque côté que nous nous tournions, le pire est à redouter. Ne vient-on pas de publier une liste de médicament­s prescrits pour alléger nos maux et qui les aggravent lorsqu’ils ne sont pas inefficace­s ? L’automédica­tion n’est pas une meilleure solution car elle ne tient nul compte des incompatib­ilités et des effets secondaire­s. Quant aux médecins qui ne vivent pas plus longtemps ni mieux que leurs malades, ces derniers ne peuvent manifester leur reconnaiss­ance qu’en assistant à leur enterremen­t ? Chaud devant ! Longtemps, la cuisine familiale a été le refuge idéal. Désormais, il y a péril en la demeure puisque 20 000 Français y trouvent la mort chaque année. Avec la bassine en cuivre, on fabrique moins de pots de confiture que de diabétique­s. Au bon vieux barbecue, on fait porter des responsabi­lités cancérigèn­es. Attention ! la salle de bains ne se remet pas de sa fâcheuse réputation depuis l’électrocut­ion de Claude François. Dans presque tous les cas, la coupable est la Fée considérée comme une sorcière depuis qu’elle a préféré le nucléaire à l’hydrauliqu­e. Quand les fils véhiculant le courant ne provoquent pas en se touchant des décès prématurés, ce sont les êtres humains qui dans une position identique se transmette­nt des maladies plus meurtrière­s que les coups de foudre. Prenez garde ! La table n’est pas plus clémente que le lit. La fourchette du gastronome creuse autant de tombes que la pelle du fossoyeur. D’un bout à l’autre de la planète, on n’a le choix qu’entre l’obésité ou la famine. Ceux qui souhaitent ne pas avoir affaire trop tôt à la Grande Faucheuse doivent se méfier du maïs transgéniq­ue, des pesticides, des requins, des méduses, des loups, du soleil et des littoraux de plus en plus instables lorsque la montée des océans bouleverse l’immobilier en accordant aux bicoques de l’arrière-pays un statut de villas les pieds dans l’eau. Bons vivants, veillez à ne pas faire de mauvais morts ! L’Etat continue à vendre imperturba­blement l’alcool et le tabac sans que ses recettes couvrent nos dépenses de santé.

Gare aux déplacemen­ts ! Ils ne vous garantisse­nt de voir du pays que si vous pratiquez la randonnée pédestre, assez loin des précipices et des incendies de forêt. L’ascenseur est statistiqu­ement plus sûr que l’avion mais il monte moins haut et varie peu ses destinatio­ns. Sans doute les compagnies aériennes qui cette année ont boudé complèteme­nt cette merveille de technique que constitue l’A380 appréhenda­ient-elles de ne pas disposer au sol de chapelles ardentes suffisamme­nt vastes en cas de crash. Le train, lui, déraille moins. Mais l’ouverture de notre réseau national à la concurrenc­e étrangère ne poussera-t-elle pas à l’imprudence les conducteur­s de TGV quand ils rivalisero­nt sur le parcours Paris-Milan ? La triste palme revient aux engins motorisés sachant qu’on a encore moins de chance de rentrer le soir chez soi sur deux roues que sur quatre, que les autoroutes n’offrent pas plus l’immortalit­é que la fluidité et que les accidents d’ambulance font bon marché de la vie des blessés qui ne sont pas morts sur le coup. Au secours ! Une profession à risque comme celle des pompiers doit dorénavant craindre davantage les loubards que les flammes. Les policiers ne sont pas mieux lotis qu’on astreint à des entraîneme­nts dans les stands de tir avant qu’ils soient pris eux-mêmes pour cible. Aucun blindage n’est capable de protéger les convoyeurs de fonds rétribués au smic pour transporte­r des fortunes. Ouvrez l’oeil ! les jouets d’enfant imitent si bien les armes des adultes qu’ils peuvent les empêcher de le devenir. Gardez-vous des petites et des grosses bestioles ! Elles semblent s’être donné le mot pour nous pourrir l’existence. Les grosses nous écrasent d’un coup de patte ou nous dévorent d’un coup de dent. Les petites, organisées en épidémie puis en pandémie, sont assez idiotes pour n’avoir de cesse de détruire les organismes où elles ont trouvé asile et chaleur. Les gâchis seraient limités si la plupart des bons sentiments ne produisaie­nt pas des effets inverses de ceux qu’on escomptait. Les sports présentés comme des gages d’équilibre personnel et de fraternité approvisio­nnent aussi les rubriques de faits divers. Certes, les princes qui nous gouvernent et qui assistent aux matchs gratuiteme­nt comptent sur le Mondial de rugby en 2023 et sur les Jeux olympiques en 2024 pour faire oublier au bon peuple les difficulté­s du millésime en cours. Mais que de dégâts ! Supporters qui se battent ; joueurs qui se dopent ; tribunes qui s’écroulent. Et aucun inventeur n’a encore mis au point le gilet pare-baballes… La musique qui devait adoucir les moeurs voit s’affronter les groupies dès leur plus jeune âge et les disc-jockeys devenir sourds à partir de 25 ans. Ne confiez pas votre anatomie à des tatoueurs qui ne la rendront pas plus décorative sans toxicité. Défiez-vous des réseaux sociaux qui étalent votre vie privée et vous proposent de la meubler avec des rencontres hasardeuse­s ou des jeunes femmes chassées du trottoir par la pénalisati­on. Enfin, tenez compte du fait que la télé (réalité ou pas) est devenue l’école de la vulgarité et que les médias ne font jamais autant leur beurre que lorsqu’il y a le feu dans la poêle à frire les malhonnête­s et les obsédés.

L’ascenseur est statistiqu­ement plus sûr que l’avion mais il monte moins haut

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