LES VARIATIONS DE FRANÇOIS DELÉTRAZ
Depuis qu’il est à la tête des Ballets de Monte-Carlo, Jean-Christophe Maillot n’a jamais dérogé à la règle de ne faire des chorégraphies que pour sa propre troupe. Mais la proposition du Bolchoï était sans doute trop tentante. Alors à l’hiver 2014, à l’invitation de Sergueï Filine, le fameux directeur artistique victime d’une attaque à l’acide commanditée par un de ses danseurs, Jean-Christophe Maillot s’installa plusieurs mois à Moscou pour y créer La Mégère apprivoisée. C’était la première fois qu’un chorégraphe étranger était invité pour une soirée entière au Bolchoï. Jouée pour la première fois le 4 juillet 2014, elle remporta un succès phénoménal et entra ainsi au répertoire du Bolchoï qui l’interpréta aussi bien à Londres qu’à New York. L’oeuvre de Shakespeare était jusqu’alors peu reprise par les chorégraphes : avant Jean- Christophe Maillot, seul John Cranko en fit une soirée en 1969 avec le Ballet de Stuttgart. Aujourd’hui, ce sont les Ballets de Monte-Carlo qui se la réapproprient. Cette version monégasque sera présentée avec l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo pour les fêtes de fin d’année. La création d’oeuvres narratives est un exercice difficile – donc une chose rare –, raison pour laquelle la plupart des chorégraphes contemporains préfèrent en général les ballets abstraits. Mais en matière de dramaturgie, Jean-Christophe Maillot n’en est pas à son coup d’essai puisqu’il compte déjà à son répertoire La Belle, Roméo et Juliette ou Casse-Noisette. Autant de grands classiques toujours revisités avec talent. Pour cette Mégère, il a lui-même sélectionné et mis bout à bout des musiques que Chostakovitch avait principalement écrites pour le cinéma.
On est ici face à une oeuvre forte, parfois presque violente avec des personnages bien campés, dont chacun se révélera être différent de l’image qu’on avait de lui au premier abord. Comme quoi il faut toujours dépasser les apparences pour connaître la vérité des hommes. Le décor est assez minimaliste et la troupe, excellente comme à son habitude, captive le public pour la soirée entière.
Grimaldi Forum à Monaco, jusqu’au 5 janvier (00.377.99.99.30.00).