L’affiche/Les passe-temps d’Eric Neuhoff
Si vous avez vu les meilleurs films argentins des deux dernières décennies ( Les Neuf Reines, Dans ses yeux, Hipótesis, Les Nouveaux Sauvages…), vous connaissez son visage, l’intensité de son regard, son physique à la Al Pacino, sa capacité exceptionnelle à jouer avec le même talent la tragédie et la comédie. Ricardo Darín à l’affiche, c’est la garantie d’un moment sinon inoubliable, du moins sans risque de s’ennuyer ou de perdre son temps. Dans le thriller politique El Presidente *, il fait une nouvelle fois montre de l’étendue de son art, malgré un scénario dont la richesse et l’ambition basculent un peu dans la confusion (l’histoire croisée d’un sommet latino-américain aux enjeux diplomatiques gigantesques et de la vie personnelle du Président argentin, rattrapé par des ennuis familiaux et une affaire de corruption). Mais rien que pour Darín et son jeu tout en subtilité, le film vaut le coup d’oeil. Sans parler du décor – la cordillère des Andes !
JEAN-CHRISTOPHE BUISSON * En salles le 3 janvier. EXPO
LE GÉNIE DE GOSCINNY
Une
machine à écrire portative Royal d’où s’échappe une immense feuille de papier, un écran qui égrène la liste interminable des oeuvres de Goscinny (500 millions de livres et d’albums vendus dans le monde !) : dès le début de l’expo « René Goscinny. Au-delà du rire » est rappelé le succès colossal qu’eut cet homme discret, souriant, toujours tiré à quatre épingles et doté d’un humour ravageur.
Il a 2 ans en 1928, lorsque ses parents émigrent en Argentine. En 1945, il tente sa chance à New York et rêve de cinéma d’animation, mais sa rencontre avec Jijé, pilier de l’hebdo Spirou, sera décisive. Goscinny range ses crayons pour se consacrer aux scénarios et dialogues de BD. De 1959 à 1974, il participe activement aux destinées du journal Pilote. De nombreuses planches illustrent ses collaborations avec Morris (Lucky Luke), Tabary (Iznogoud), Sempé (Le Petit Nicolas) et bien sûr Uderzo, avec qui il réalise 24 albums d’Astérix. Comme Pierre Dac, il est maître dans l’art du décalage. Sa langue est imprégnée de culture juive (russe et polonaise), de castillan argentin, d’anglais et de sabirs variés. La dernière salle accueille un mur de citations impérissables :
« Qui a vécu par le Colt, périra par le Colt, mon frère » ; « Il ne faut pas parler sèchement à un Numide » . Et la plus existentielle : « Quand est-ce qu’on mange ? » (Averell Dalton). SYLVIE MARCOVITCH Musée d’Art et d’Histoire du judaïsme, Paris IIIe, jusqu’au 4 mars.
EXPO
RUSSIE ÉTERNELLE L es peintres d’icônes ayant travaillé en Occident sont peu connus. Le Centre spirituel et culturel orthodoxe russe (quai Branly, Paris VIIe) en présente un des plus brillants : Léonide Ouspensky (1902-1987). Cette exposition magnifique *, contenant de nombreuses pièces d’exception rassemblées par Emilie van Taack, permet de découvrir les canons d’une esthétique épurée, byzantine d’origine, à laquelle la tradition russe a ajouté la puissance de la couleur et une chaleur humaine. Les icônes sont des fenêtres vers l’éternité. Voilà ce que semble suggérer la palette de cet artiste, dont la vie fut digne d’un roman : ancien rouge sauvé par un officier blanc, exilé à Paris, c’est par l’art sacré qu’il trouva la foi. Son talent fit ensuite école et s’imposa dans les collections. Passionnant ! PIERRE DE BOISHUE * Jusqu’au 14 janvier. LIVRE
SAVEURS DE FRANCE A vec cet atlas illustré de nombreuses cartes, c’est à un véritable tour de France des saveurs que nous convie Jean-Robert Pitte. Géographe et belle plume, le fin gourmet nous fait goûter aux spécialités sucrées-salées du Nord, héritées du Moyen Age, au gibier abondant de Lorraine, aux cinq fromages d’appellation contrôlée d’Auvergne, à l’enivrant pastis de Provence, aux gouleyants fruits de mer de Bretagne, à la « cuisine sans accent » du Val de Loire… Où l’on voit que c’est en vérité toute la France qui est un jardin de cocagne, pays par excellence de la gastronomie, ainsi définie en 1800 : « le désir de bien manger et de partager ce qui est devenu un élément majeur de l’identité française, reconnue tant en Europe qu’ailleurs dans le monde » .
CHARLES-HENRI D’ANDIGNÉ Atlas gastronomique de la France, Armand Colin, 157 p., 26,90 €.