Le Figaro Magazine

Le théâtre de Philippe Tesson

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Caubère est de retour. Caubère est là, parmi nous, à L’Athénée jusqu’au 14 janvier. Caubère ou l’éternel retour, immuable, rassurezvo­us, il reviendra. Rien ne m’en empêchera, nous dit-il « sauf peut-être un jour mon corps ». Ce n’est pas pour demain. Il a un rapport particulie­r avec le temps. Quel âge at-il ? Il n’a vécu que des enfances. Il a souvent confié qu’il était animé d’une pulsion de mort et qu’il ne faisait du théâtre que pour ne pas mourir. Sa vie se résume à raconter sa vie sur une scène. Son problème, mais c’est en même temps sa raison d’être et sa raison de jouer, c’est de ne s’inspirer que de sa propre existence et sa propre expérience. Il n’a besoin de rien. Pas de décor, le plus souvent un simple tapis, ou une chaise, « l’espace vide de Brook ». Pas de texte littéraire : un récit quasiment improvisé. Pas de partenaire­s, il les incarne à lui seul. Parfois on rêve : ah, s’il voulait bien nous raconter le monde, nous parler de nous, ce serait magnifique, c’est un acteur prodigieux ! Mais non, il est le monde, il est enfermé dans son monde, les personnage­s ne l’intéressen­t que par rapport à lui-même. Il n’a besoin ni des objets ni des êtres, il n’a besoin que de ses souvenirs, de ses fantômes, de sa parole, de sa propre langue et de son corps pour retracer sa vie sur la page vierge de la scène, en direct, et une sorte de magie s’opère.

C’est ainsi qu’on devient un mythe. La salle est fascinée. Son public le vénère et même l’idolâtre. Il dit des choses simples, des choses de la vie ordinaire. Cette fois, il ne parle pas de théâtre. Il reprend une série de monologues où il nous livre des histoires dont il n’est pas le héros, des histoires anecdotiqu­es. Nous avons vu celle qui raconte la vie d’une famille belge, de gros cultivateu­rs de betteraves dont il joue tous les personnage­s avec cette présence polymorphe dont il est familier. Il y développe des thèmes plus universels, plus sociaux que d’ordinaire. Son investisse­ment physique, sa mobilité sont extraordin­aires. C’est savoureux. Se crée sous nos yeux un univers moins autobiogra­phique que celui de la série des Ferdinand dans laquelle sa personnali­té est centrale. Mais sa puissance d’acteur est telle qu’on s’intéresse moins finalement à ce qu’il joue qu’à ce qu’il est : un hommeenfan­t unique en son genre qui défie le temps et se joue des codes convention­nels.

Adieu Ferdinand !, création de Philippe Caubère. L’Athénée Théâtre Louis-Jouvet (01.53.05.19.19).

Son public le vénère et même l’idolâtre

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