Le Figaro Magazine

La page d’histoire de Jean Sévillia

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Des grands chefs de l’armée française de 14-18, seuls Joffre, Foch et Pétain furent élevés pendant le conflit à la dignité de maréchal de France, quatre autres l’ayant été en 1921 – Lyautey, Franchet d’Espèrey, Fayolle et Gallieni ( à titre posthume) – puis Maunoury en 1923, également à titre posthume. Edouard de Castelnau, que Clemenceau n’aimait pas et surnommait le « Capucin botté », n’aura jamais son bâton de maréchal parce qu’il était trop catholique en un temps où le personnel républicai­n baignait dans l’anticléric­alisme. Méconnu et sous-estimé, ce personnage qui jouera un rôle politique de premier plan au sein de la droite catholique de l’entre-deux-guerres mériterait une biographie complète; celle publiée par Yves Gras en 1990 n’ayant pas utilisé toutes les sources disponible­s. On lira néanmoins avec beaucoup d’intérêt le livre que lui consacre Benoît Chenu, un passionné d’histoire militaire, qui a passé dix ans à rechercher dans les archives tout ce qui concerne le général de Castelnau, dont il est par ailleurs l’arrière-petit-fils. Dans les papiers que sa famille a versés en 1998 au Service historique de la Défense, à Vincennes, mais aussi dans des fonds britanniqu­es et allemands, l’auteur a puisé la matière à une réévaluati­on totale de l’action de son aïeul pendant la Première Guerre mondiale, sans céder pour autant au panégyriqu­e de principe. L’ouvrage relate certes ce qu’on connaissai­t déjà, dont les combats victorieux commandés par Castelnau au Grand-Couronné et devant la trouée de Charmes, en août et septembre 1914, chocs occultés a posteriori par la victoire de la Marne. Mais Benoît Chenu expose aussi les demi-succès de Castelnau en Champagne en septembre 1915, ou ce que lui devait la stratégie de Pétain à Verdun en 1916. L’ouvrage rappelle encore l’offensive que le général devait lancer le 14 novembre 1918 afin de couper en deux les forces allemandes et de porter la guerre en territoire ennemi, offensive annulée du fait de l’armistice dont il pensera, lui qui était pourtant si économe du sang des hommes, qu’il avait été signé trop tôt, empêchant la France de prendre des gages pour l’avenir. Trois fils Castelnau, partis pour le front en même temps que leur père, seront tués au feu. Tragique époque. Castelnau, « Le quatrième maréchal », 1914-1918, de Benoît Chenu, Bernard Giovanange­li Editeur, 447 p., 25 €.

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