Livres/Le livre de Frédéric Beigbeder
LA PRINCESSE DE BAKOUNINE, de Lorenza Foschini, Quai Voltaire, 224 p., 20 €. Traduit de l’italien par Karine Degliame-O’Keeffe.
Il était une fois Zoé Obolenskaïa, brunette aristocrate russe aux traits délicats et raffinés, épouse d’un prince et mère de cinq enfants, et Mikhaïl Bakounine, géant édenté au poil abondant et hirsute, anarchiste tonitruant, condamné maintes fois à mort et recherché par toutes les polices européennes. Point de maléfice ni de sort d’amour dans leur histoire, mais une profonde amitié et de l’admiration intellectuelle.
Tout débute lors d’une rencontre au printemps 1866 sous les ors d’un palais napolitain : « Princesse, depuis que j’ai conscience de moi-même, je suis révolutionnaire. » Aussitôt, les mots de Bakounine trouvent écho dans le coeur de l’idéaliste et indépendante Zoé. Sans regret, elle abandonne une vie conjugale sans saveur et les intrigues de la cour tsariste pour l’aventure et les réunions politiques. En quelque mois, elle devient un pilier du mouvement anarchiste européen. Exilée, rejetée par sa famille et ses amis, elle perd ses enfants – confiés à leur père –, ses biens et sa réputation. Mais gagne la liberté. D’une écriture puissamment romanesque, puisant dans les archives historiques, les témoignages et les correspondances familiales, Lorenza Foschini ressuscite avec rigueur et flamboyance l’épopée de Zoé Obolenskaïa. Pasionaria de la fin du XIXe siècle qui inspira le personnage d’Anna Karénine à Tolstoï et celui de la princesse Casamassima à Henry James, elle méritait bien d’être l’héroïne de son propre livre. MARIE ROGATIEN